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SETIF (17)

mardi 30 novembre 2010, , article écrit par Ammar Koroghli et publié par La rédaction


Au commencement, El Djazaïr fut soumise à la domination phénicienne et à l’empire romain, puis celle plus brève des Vandales et des Byzantins. Okba ibn Nafi, venu de la péninsule arabique avec ses troupes a pu s’y installer. Les prédicateurs musulmans y établirent les écoles coraniques et les zaouïas. Venant d’Arabie d’où ils furent chassés, les Beni Hillal trouvèrent des populations islamisées et parlant en arabe. Plus tard, les corsaires turcs prirent Alger en 1515. Il en résulta la Régence, définie comme une sorte de protectorat, qui dura plus de trois siècles. A sa tête le Dey qui, investi par la Sublime Porte, commanda les janissaires et une administration bureaucratisée. Il était secondé par trois Beys qui s’établirent à Constantine, Médéa et Oran dont il semblerait que leur principale mission fut de percevoir des impôts sur la population. Cependant, malgré la Régence turque, le pouvoir était entre les mains des autorités locales d’alors : caïds et cheikhs ; ces autorités locales ont pris, au début du XIXème siècle, la tête du mouvement de révolte contre la fiscalité et les exactions du beylik. Les beys eurent du mal à maîtriser ce mouvement. Dey et beys finirent par partir lors de la pénétration coloniale française. Des populations métissées, que l’on retrouve également en Tunisie. Ces populations portent le nom de Kouloughlis ou Kouroughlis que l’on transcrit également Koroghli et Keraghel.

Il semblerait que l’histoire de Koroghli soit un cycle d’épopées orales que l’on retrouve dans diverses régions du monde, des Balkans à l’Asie Centrale. Le héros central du cycle Koroghli est traduit par le fils de l’homme aveugle (le héros a été aveuglé après la mort de sa mère). Dans les versions de toutes ces régions, Koroghli réunit un groupe de guerriers autour de lui avec qui il effectua des exploits héroïques. Dans les versions des chanteurs turcs et azerbaïdjanais notamment, le héros est une sorte de hors-la-loi, de ménestrel, qui lutte contre le sultan. Dans les versions asiatiques Centrales (Turkmène, Ouzbeque, Kazakh), il est représenté comme une personnalité doté d’une grande puissance. Ce cycle épique est populaire non seulement parmi les gens qui s’expriment en turc, mais également parmi les Tadjiks parlant iranien. Dans les diverses traditions, l’épopée de Koroghli est une sorte de mixture de vers et de prose…

C’est ainsi qu’au fil du temps, plusieurs événements auraient interféré dans l’histoire du port de la mlaya (comme celle que porta ma mère toute sa vie) ; ainsi, on attribue le recours au port de la mlaya par les femmes de l’Est à l’occupation du Beylik de l’Est par l’armée coloniale française et à la défaite de Hadj Ahmed Bey, dernier bey de Constantine. Celui-ci combattit l’armée coloniale française jusqu’à 1837, à partir de Constantine et de Annaba. Et jusqu’à 1849, il paraîtrait qu’il leur mena la vie dure, des Aurès aux portes du Sud. Et Hadj Ahmed Bey était un Koroghli. Proclamé pacha, il se considéra comme dey après la capitulation de Hussein Dey le 3 juillet 1830 ; il se choisit même un drapeau et frappa une monnaie. Il fut sans doute le dernier chef de guerre en sa qualité de résistant dans l’Est algérien à l’occupation française, l’imaginaire populaire collectif le confondant avec Salah Bey.

A Alger en revanche, Régence et ancienne ville pirate, il existait un cloisonnement entre les couches d’une population hiérarchisée selon l’origine ethnique qui conditionnait les activités dans la cité : Turcs, Koroghli, Maures, Kabyles, Arabes, Juifs, Chrétiens… Ainsi, la caste des turcs domine sans conteste le pays. Les Kouloughlis sont des petits parents que l’on ménage ; les Maures, des sujets ; les Berbères et les Arabes des ennemis en puissance ; les juifs, des inférieurs que l’on méprise profondément mais dont on ne peut se passer ; les chrétiens, des esclaves *.

(A suivre)


Ammar Koroghli

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