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Cela s’appelle l’horreur : Un après midi à l’état civil

jeudi 26 mars 2009, , article écrit par A. Nedjar, Sétif Info et publié par La rédaction


Le titre pourrait être par exemple « chronique des années de stress » ou bien, Voltaire réécrirait plutôt « Zaïdi ou la destinée ».

Ceci pourrait seproduire aussi bien à Mendès, à Chemora qu’à Zemoura, à Djelfa . Peut importe, c’ c’est quelque part en Algérie, dans l’une de nos APC.

C’est dire aussi que cela se produit en tout cas quotidiennement, près de chez vous.C’est comme un moulin qui tourne à vide ou la machinerie en panne d’une locomotive, immobilisée, qu’on tente de faire toussoter. Elle répond : j’fais c’que j’peux, j’fais c’que j’peux, j’fais c’que j’peux. Elle ne mènera nulle part.

Cet article est à consommer avec modération. Vous risquez même à toute instant une indigestion ou une overdose. Aucun labo d’analyse et de contrôle de qualité n’y a décelé le moindre produit incriminé mais il est partout, dans toutes nos administrations. Il s’appelle BUREAUCRATIE

Je savais que notre administration était papivore, boulimique même, mais j’ignorais que son mal pouvait avoir cette dimension et cette profondeur .Ce mal proviendrait entre autre de cette pièce maîtresse qu’est la fourniture généralisée de l’extrait d’acte de naissance, bulletin numéro 12, SVP ; ainsi que la légalisation des différents documents par les services administratifs de l’APC.

Qu’ai-je fais de mal à mon neveu vivant à l’étranger pour qu’il ait à me condamner pour aller lui retirer son extrait d’acte de naissance auprès des services de l’état civil ?

Sitôt arrivé à l’entrée, vous êtes happé par un brouhaha indecriptible, un énorme vacarme et ces coups répétés de tampons ou le bourdonnement et le bouillonnement des personnes qui se meuvent en tout sens dans cette grande salle mal éclairée.

Dans cette atmosphère suffocante et nauséabonde, vous devez jouer des codes pour le moindre déplacement.

Conscient du problème, l’APC a prévue de nombreux guichets, mais, faut-il parvenir à ces guichets ! A droite comme à gauche, dans des files interminables distinctes, les femmes et les hommes qui, assis ou debouts ; attendent leurs tours devant les préposés aux écritures, souvent nerveux et dépassés. Les plus chanceux sont ceux qui se sont levés le plus tôt.

Plus loin, dans un désordre indescriptible, une masse de personnes compactes attendent la remise du précieux document.

Mais, les plus futés et les plus téméraires sont certainement ceux qui, à la recherche permanente d’une connaissance, ou d’un soutient ne s’offusquent pas outre mesure pour aller « griller » ces longues files d’attentes pour aller glisser leurs demandes et d’en attendre la délivrance ou plutot leur propre délivrance à eux surtout.

J’ai , pour ma part, décidé de faire comme tout le monde. Après une longue attente qui m’a semblée être une éternité, voici enfin qu’au bout de la chaîne du guichet numéro 11, s’est libérée une place assise. A partir de ce moment, vous ne pouvez plus quitter votre banc au risque de perdre et votre place et votre tour !

En attendant mon arrivée au guichet, j’observais le manège qui, à fréquences régulières, se répétait devant mes yeux.

Des personnes, qui, en tenues officielles, qui , appareils de communications mobiles bien en vue comme pour affirmer certainement l’ autorité qui détiennent,de simples anonymes, style BCBG(bon chic ,bon genre) accompagnés ,tels des coqs ,s’étiraient les cous pour voir au loin , à travers ces grandes baies vitrées , faisant de grands signes des mainset se diriger rapidement et directement vers ces guichets en apparence vides pour être reçu de suite par un agent qui semblait sortir de néant et de s’adonner à de furtifs conciliabules se terminant tous par de grands : Saha ,Saha et de s’évaporer aussi vite qu’ils sont apparus. Et du coups, l’assistance médusée , fébrile ,devenait encore plus chaude .Les regards se croisent silencieusement pour exprimer, qui l’étonnement, qui le dépit ou la résignation mais tous ont ce sentiment de révolte et de perte de temps.Le passe droit a la vie dure .Il est devenu une règle pour tous ceux qui détiennent une portion ,une tranche ou un segment d’autorité ou d’une influence minime. Après coups, c’est maintenant dans les regles.Un service en vaut bien un autre !

Je continue à glisser d’siege à l’autre lorsque je fus repéré par un élu de passage. Certainement étonné de me voir subir ce calvaire, il m’envoya des clins d’œil discrets couverts par grands sourires pour me sortir de ce pétrin. Rien à y faire, je résistais à la tentation de ne pas me sortir de ma « queue » et de pouvoir ainsi vivre pleinement l’expérience en ayant la hantise de rentrer bredouille car l’heure de la fermeture approchait inexorablement.

Plus loin, dans l’autre aile, éclata une violente dispute entre les visiteurs .Le calme ne fut revenu qu’à la suite de l’intervention d’un agent de l’ordre qui semblait être submergé par cette masse et cette affluence qui grossissait démesurément.

Le département de la légalisation ou « égalisation » comme le nomme ainsi certains usagers ne désempli pas non plus. Tel des coups de boutoirs, rageusement donnés ,au dessus ,au dessous ,les employés ne finissaient pas de tamponner,tamponner,tamponner .Ils tamponneront certainement jusqu’à la fin de leur carrière et partiront plein les oreilles avec ces coups de tampons jusqu’à la fin de leurs vies.

Après le jeux de glissade, me voici en face de l’agent .Tel un écolier devant son maître ou sa feuille d’examen, je tremblais de tout mon corps. Est ce la joie d’être enfin parvenu ou la crainte de subir un refus .La loi est claire là dessus. Elle prévoit que ces documents ne peuvent être délivrés qu’aux descendants et ascendants directs. Et je ne suis qu’un ascendant collatéral ! Timidement mais sûrement, je fis ma demande en présentant un vieil exemplaire périmé, seul lien attestant de ma parenté et communauté de nom .Je commençais presque à regretter mes audaces d’affronter la bête devant les suppliques discrètes de l’élu qui m’aurait sauvé de ce piège.

Rageusement, l’agent me retira le document de la main .Il le contempla longuement et me demanda d’une voie grave :

 Qu’est ce que vous voulez ?

 Le même document Monsieur, mais en double exemplaires s’il vous plait, répondis-je avec une voie à peine audible .Il s’éclipsa un moment derrière ce long couloir qui fait office de bureaux pour réapparaître avec un énorme registre sous les bras.

 C’est bon ! Vous pouvez aller attendre laba qu’on vous appellera.

 Oui monsieur mais, j’ai oublié de vous signaler que s’est pour un usage administratif à l’étranger.

 Vous ne pouviez pas me le dire plus tôt ? Me lança –t-il outrageusement .J’ai gaspillé deux imprimés en arabes en inscrivant dessus les numéros d’état civil. Moi qui oeuvrait dans les TIC(technologies de l’information et de la communication) ou la tendance est à zéro papier ,sur l’entre fait,j’ai pensé à ces millions d’imprimés gaspillés quotidiennement à travers toutes les APC et administrations du pays .Cela doit faire de sacrés budgets et des énormes économies .

En France, la loi a été modifiée depuis quelques années. Elle instaure un régime où un simple document d’identité ,permis de conduire, carte nationale d’identité ou passeport, et même une carte de retraité ou d’ancien combattant, délivrés par l’administration , atteste de son état civil et font office d’extrait d’acte de naissance. Il n’y a plus que pour un usage extrêmement limité ou ce document est exigé. Il faut dire que tous les documents précités prouvent l’identité du requérant.

En Allemagne, il est délivré à la naissance une espère de brevet au sein d’un renforcement cartonné donnant lieu d’acte de naissance pour te restant de la vie du titulaire.

Ma délivrance ne fût pleine et totale qu’à la réception du précieux document qui, tel un diplôme me libera de la pression vécue tout au long de l’après midi. Mais faut-il souligner le nombre d’erreurs relevées après la transcription et la remise des documents ? Ainsi donc cette bonne vieille dame qui s’appelait Houria est devenue subitement Soraya par la force et la volonté incontrôlée de l’agent. En alphabet Arabe, il a tout bonnement fermé le Ha qui est devenu Sad. Mais c’est trop tard pour aujourd’hui .Les bureaux sont fermé !il est 16h 30 mn déjà.

Lorsque mon nom fut épelé, l’agent pri soin de m’inviter d’aller encore faire authentifier le document auprès des services de la Daira .En l’examinant précieusement, j’ai découvert qu’en mention marginale, mon neveu qui est né en clinique a subitement choisi de l’être auprès de l’hôpital .Je ferais comme l’agent, je ferai semblant de ne pas en faire la différence. Je l’ai, je l’ai le document .Mon neveu sera bien content. Tant pis pour les autres. Ils doivent tenter leur chance demain sûrement ou peut être après demain, qui sait.

Moi, qui, comme dans le conte d’Alphonse Daudet, à l’instar du sous préfet, souhaitais passer mon après midi aux champs, je l’ai bien passé dans les bureaux de l’état civil .Entre « le petit chose » d’Alphonse Daudet et cette grande chose qui nous dérange, il y a comme un mal qui nous ronge .Cela s’appelle la BUREAUCRATIE.

(Copyright photo : Indjazat 2009)


A. Nedjar, Sétif Info

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