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8 Mai 45 : De la mythologie de 1789 à la criminalité coloniale

Zahia El Mokrani-Gonon

lundi 22 mai 2006, , article écrit par Sétif Info et publié par La rédaction


« L’enquête sur les crimes de guerre aurait dû s’étendre à tous les pays belligérants, et on aurai vu prendre place dans le box des accusés Truman pour Hiroshima, Staline pour Katyn, Churchill pour Dresde et de Gaulle pour les massacres du Constantinois ». Michel Tournier (Le verdict de Nuremberg, in Le Monde du 1er octobre 1971).

Naturellement, nous nous limiterons aux mythes de la Révolution Française ayant trait directement ou par ricochet à la colonisation de l’Algérie ; ceci, afin de compléter les approches consistant à faire état des seuls mobiles immédiats (par exemple, la 2ème guerre mondiale) et de la responsabilité des exécutants subalternes du 8-Mai-1945.

Les républiques à soldats. Dans les manuels scolaires, on vantait ‘’le rôle positif’’ du ‘’Siècle des Lumières’’ en passant sous silence le ‘’commerce triangulaire’’ de la traite négrière, dont étaient actionnaires, Voltaire à La Rochelle et Montesquieu à Bordeaux. 1789, c’est l’an I du mythe des ‘’Droits de l’homme’’, non étendus à la femme, ni aux populations sous domination et la naissance du dogme, imaginaire, de la ‘’séparation des pouvoirs’’. 1795, le peuple abdique ses droits au bénéfice de la classe bourgeoise et en 1799, il abdique au profit d’un homme : ‘’la révolution est finie’’. (La Doc. Fr., doc. d’études) ‘’Le petit caporal’’, tombeur de la Ière République, Ier führer d’Europe, terminera son aventure impériale dans la plaine de Waterloo, en léguant à la France les trois guerres de frontière, avec le voisin Germain, dont l’Algérie fera les frais. En 1815, à l’humiliant traité de Vienne, la France ne dût une place assise, en bout de banc, qu’à la claudication de son représentant Talleyrand.

L’invasion de 1830, comme nous le savons tous, a été entreprise par les descendants immédiats des Conventionnels de 1792. Les ‘’généraux imberbes’’ de la légende hugolienne, qui avaient ensanglanté la Vendée, serviront en Algérie en ‘’généraux de la vieille garde’’. Ironie de l’Histoire, nos aïeux et ceux de l’actuel Vicomte le Joli de Villiers sont victimes du même exterminateur : Bugeaud. Le Prince-Président-Empereur, tombeur de la IIème République, nourrissait le projet d’y implanter en masse des populations d’Europe, afin de noyauter l’élément ‘’indigène’’. Nos aïeux adaptent leur fonction de reproduction et font échec à la ‘’colonie de peuplement’’ : taux moyen de natalité, 42%0. Ce piètre stratège tombe à Sedan sous les coups de l’ennemi héréditaire allemand, en y laissant l’Alsace, avec les conséquences que l’on sait : les Alsaciens (Naegelen, Messmer...) prouveront leur attachement à la patrie française, sur le sol algérien.

La IIIème République, ‘’fille de Rousseau et de la Révolution’’, à défaut d’une couronne impériale ou seulement royale, va se doter d’un ‘’Empire colonial’’. Avant de parvenir à édicter laborieusement ses institutions et se mettre, en 1875, sous la coupe d’un maréchal (Mac-Mahon), il urgeait pour elle de mettre l’Algérie, sous coupe réglée, en réactualisant le terme ‘’corps expéditionnaire d’Alger’’. En 1873, elle lui affecte un corps d’armée, le 19ème, qui procèdera à un quadrillage territorial, en trois divisions militaires : Alger, Oran et Constantine. En 1874, elle concrétise la ségrégation de fait entre ‘’indigènes’’ et colons dans un recueil périodique publié au Journal officiel, véritable bréviaire raciste. Il n’est pas question d’énumérer la liste infinie des ‘’Statuts’’ destinés à affubler les ‘’Algériens’’. Nous épuiserions la patience des lecteurs et la nôtre, sûrement pas le sujet. Mais il nous semble intéressant de nous arrêter sur l’année 1881. Entre une loi conférant ‘’aux administrateurs des communes mixtes, la répression des infractions spéciales à l’indigénat’’ et le vote ‘’d’un crédit destiné à venir en aide aux populations de l’Algérie’’ représentées par Blachère, député d’Oran, Bou-Amama fait irruption dans l’Hémicycle : à la tête de 5.000 hommes, il menait depuis avril des opérations de harcèlement dans le sud algérien, perturbant la récolte de l’alfa. A la tribune, étaient interpellés par les colons, le Ministre de la guerre et le Président du Conseil, Jules Ferry au motif que ‘’le drapeau français subit une humiliation’’. Ces débats sont un panorama, description du relief comprise, du harcèlement permanent auquel faisaient face les troupes d’occupation, d’est en ouest et du nord au sud, en particulier dans ‘’le désert qui est un refuge presque inviolable’’. L’enjeu était de mettre fin à ‘’l’antagonisme qui règne entre le militarisme et le régime civil’’ pour inspirer aux Arabes une terreur salutaire et aussi de fermer les Zaouïas, ‘’ces écoles normales’’ anti-françaises. Naturellement était constatée l’impossibilité d’ exterminer ou d’expulser les musulmans. (JO. Déb. Chambre, 24 juin, 1er juil.1881) En gros, des décrets de 1898 fixe les attributions militaires du gouverneur général. Une loi de 1900 énumère les services coloniaux rattachés à la défense nationale, alors que la Chambre et le Sénat balbutient un semblant de libertés publiques et une tentative de séparation des pouvoirs, pour la métropole, bien sûr. En 1928, le code de justice militaire dressait le tableau des officiers des circonscriptions territoriales appelés à siéger au tribunal militaire qui avait la direction de la police judiciaire et était chargé de l’exécution des jugements. Chaque tribunal comprenait six juges militaires. Les fonctions de commissaire du gouvernement et de juge d’instruction étaient remplies par des officiers constituant un corps autonome, à hiérarchie propre, ne relevant que du ministre de la guerre. La défaite-éclair de juin 1940 sur la Meuse n’a malheureusement pas mis un terme au mythe du ‘’salut de la France par l’empire’’. Paul Reynaud, alors Président du Conseil, en larmes sur les ondes, incitait au calme ses compatriotes fuyant devant l’avancée des troupes ennemies : « qu’avez donc à fuir ainsi, les Allemands ne sont tout de même pas des Sarrasins’’. Il ne restait plus aux Sarrasins, pardon, aux Algériens qu’à en tirer les conséquences. Logique -ou justice- immanente, la IIIème République, taillée à la pointure d’un maréchal vieillissant, ancien gouverneur général en Algérie, après ¾ de siècle de service au pas, expirera dans les bras d’un autre maréchal.

Le 8-Mai-1945 ayant duré jusqu’à fin juin, nous poursuivons la commémoration. La sainte alliance du général de brigade de Gaulle, avec les Vichystes Achiary, Papon..., (à suivre) Z. eM. G. Paris, le 14 mai 2006 arabelles@wanadoo.fr


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