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Les tresses de « f’rèche boutaleb »

lundi 11 juin 2007, , article écrit par R. L. / APS et publié par La rédaction


« F’rèche boutaleb » (ou « boutalbi »), ou encore « f’rèche el margoum », une natte d’alfa finement tressée et agrémentée de motifs géométriques de différentes couleurs, faisait la fierté de toute la région de Boutaleb.

Véritable patrimoine culturel de la chaîne montagneuse située à l’extrême sud de la wilaya de Sétif, au même titre que le tapis du M’zab ou le bijou berbère, « f’rèche boutaleb » était omniprésent dans les cafés, les demeures et les mosquées et constituait, il y a à peine une trentaine d’années, la pièce maîtresse du trousseau de la mariée, faisant l’orgueil de toute famille qui en possédait un.
La raréfaction de la matière première et des teintures est, selon les connaisseurs de ce domaine, à l’origine de la disparition de cette belle pièce d’artisanat que les jeunes d’aujourd’hui « ne savent même plus à quoi elle ressemble », selon l’expression de bon nombre de femmes de Boutaleb.
C’est en tout cas cette explication qu’elles donnent, affirmant que la main-d’œuvre existe toujours et disposée à tresser cette natte et à lui rendre « ses lettres de noblesse ».

« La fabrication d’une natte en alfa décorée d’une dimension de 7 mètres de long sur 4 mètres de large, nécessite entre 60 et 70 touffes d’alfa brut que l’on fait cuire dans des marmites et que l’on teint avec des nuances rouges et noires avant de les étendre au soleil jusqu’à ce qu’elles soient prêtes à être tissées ou tressées », expliquent les « anciennes ». « L’alfa ainsi préparée est mélangée à du poil de caprins et mise sur le métier à tisser traditionnel, celui-là même qui est utilisé dans le tissage des couvertures et autres ouvrages en laine », note Mme Naânaâ Tchambazi, une dame de 80 ans de la localité montagneuse de Boutaleb.

Pour elle, la transmission aux jeunes filles du tissage du « f’rèche Boutalbi » et de la « hlassa » du même nom (petit tapis de prière en alfa) et d’autres ouvrages en alfa, requiert de leur enseigner toutes les étapes du métier mais « ce n’est pas un problème », assure-t-elle, tant que les aînées sont là.
C’est le manque de matière première que sont l’alfa et les teintures, souligne cette dame, qui « pose problème sachant que ces matières sont introuvables dans les souks depuis que les marchands de Boussaâda et de M’sila ont abandonné ce commerce ».

Le coût de revient d’une natte est donc aujourd’hui si élevé que l’on ne peut vendre la natte en alfa pour moins de 10 à 15 000 DA, sans la brader en deçà de son coût de revient.

La concurrence des produits manufacturés et l’utilisation de l’alfa dans l’industrie du papier et autres produits modernes a fini, donc, par « achever » cette natte séculaire, connue autant pour sa beauté que pour certaines vertus thérapeutiques, sachant que des médecins la conseillaient comme couche pour soulager le mal de dos.

R. L. / APS


R. L. / APS

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