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Lazreg Melloul

jeudi 10 avril 2008, , article écrit par par El-Guellil, le Quotidien d’Oran et publié par La rédaction


Il s’agirait en fait d’une historiette, d’un grand amour, d’un défi social face aux tabous qui régissaient, comme un maître plus que colonialiste, les affaires de la cité, tant sur le plan affectif que relationnel.

Lazreg est originaire de la banlieue sétifienne. A proximité de Mezloug. Les Ouled Melloul. Là, vivent encore beaucoup de familles qui sont installées depuis fort longtemps à Sétif. L’on cite les Serrai. Toute l’histoire serait bâtie, selon le ouï-dire, sur une preuve d’amour incontestable.

L’adorée, l’aimée dont je ne peux citer le nom, aurait demandé à son jules (Lazreg, un homme beau, fort et riche, dit-on) qui venait, tout juste, d’acquérir une machine agricole, l’on venait de connaître les moissonneuses-batteuses, comment fonctionnait ou s’articulait ce mastodonte mécanique d’où sortait un vrombissement jamais écouté ? Il lui expliqua l’objectif et l’utilité d’un tel engin. Surprise par de telles prouesses et hâtive de voir ce grand objet faire son travail, elle supplia son doucereux amoureux de le faire passer à l’acte. Nous étions au mois de mars, l’épi n’est pas encore apparent. Le blé non plus. C’est la période de la germination. L’on n’y voyait que quelques touffes bien verdâtres.

Cette demande, pour Lazreg, ne constituait pas exclusivement un voeu émanant d’un être qu’il chérissait au plus fort souffle qui l’animait mais aussi, il pensa y trouver un plaisant ravissement face à son environnement à remporter et davantage, tous les défis. Que vaudrait en finalité le fait d’exaucer à contre nature ce que souhaitait l’amante, elle aussi toute jeune, désirée par tous y compris le hakem de la région et que cette beauté conforme aux contours du charme autochtone sétifien des Aamer arrivait à faire ravir le regard de tous ceux qui osent le porter sur cette frimousse angélique.

En ce mois de mars, en plein gel, Lazreg ordonna à ses métayers, médusés, de moissonner l’étendue de ses immenses champs. La machine grondait et commençait à tondre et faucher les quelques tiges qui sortaient à peine de la terre noire de Melloul. Les gens qui assistaient à ce spectacle inédit avaient tous la mine désarçonnée. Ils ne pouvaient comprendre ce qui aurait poussé le héros à débuter ainsi l’écriture d’une future histoire. Mythique et légendaire. Affichant altièrement un léger sourire aux bords de ses lèvres gercées par le froid, il dégustait la jubilation qui se dégageait des yeux vifs et scintillants de sa muse. Le décor qui s’offrait à sa vue venait de suppléer, en séance publique, à la preuve inégalée de l’amour qu’il avait pour elle. Seule la machine semblait intéresser la jeune fille. Elle ignorait à quel désastre avait ramené sa petite envie. L’essentiel pour lui étant de voir sa passionnée joyeuse. Ainsi serait fait, entre autres faits saillants, le tissu romanesque de cette idylle melloulienne.


par El-Guellil, le Quotidien d’Oran

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