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Scandale à la cour de Sétif

dimanche 16 décembre 2012, , article écrit par Salima Tlemçani, El Watan et publié par La rédaction


Les présidents de la cour de Sétif et de la chambre d’accusation près la même juridiction ont fait l’objet d’une mise de fin de fonction en dehors du mouvement et dans des conditions assez troublantes. Selon des sources judiciaires, les deux magistrats ont été cités dans une grave affaire qui risque d’éclabousser la chancellerie.

Depuis quelques jours, la cour de Sétif se trouve au centre d’une grave affaire qui a eu pour conséquence la mise de fin de fonction, pour ne pas dire le limogeage, du président de la cour auquel il est demandé de faire valoir son droit à la retraite. Une décision qui s’apparente à un compromis pour éviter toute traduction devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). La même mesure a été retenue contre le président de la chambre d’accusation de cette même juridiction, alors qu’en personne, l’inspecteur général près le ministère de la Justice poursuit son enquête sur ce que les magistrats appellent « Eulma connexion ». De quoi s’agit-il au juste ?

Selon des sources judiciaires, l’affaire remonte au mois de mars 2010. Plus exactement à la nuit du 22 mars, lorsqu’une bombe artisanale a secoué la cité Haï Emarate, à El Eulma, wilaya de Sétif, blessant grièvement un commerçant.
Ce dernier avait été touché au moment où il ouvrait un paquet déposé devant l’entrée de son magasin.
Réveillés en sursaut, les habitants n’ont pas cru un instant à un acte terroriste, d’autant qu’un autre commerçant avait échappé de justesse à un acte similaire quelques jours auparavant grâce aux services de sécurité, qui avaient désamorcé à temps l’engin explosif.
Pour tout le monde, le blessé venait de faire l’objet d’un règlement de comptes maffieux en bonne et due forme.

Quelques mois plus tard, l’enquête a abouti à l’arrestation des auteurs, mais aussi du commanditaire, un commerçant d’El Eulma, fervent concurrent de la victime.
Ce qui n’était q’une rumeur se confirme grâce à l’enquête préliminaire. L’enjeu tourne autour des affaires, ou plutôt autour du contrôle du marché. Au mois de novembre dernier, la victime reçoit sur son téléphone mobile un SMS des plus bizarres ; l’auteur présumé de son agression lui transmet, à partir de la prison, un message dans lequel il l’informe qu’il sera en liberté avant même le procès prévu au tribunal criminel près la cour de Sétif.

DES DÉCISIONS PRISES SOUS PRESSION

Effectivement, à quelques jours seulement de l’audience, l’accusé introduit une demande de liberté provisoire.
Examinée par la chambre d’accusation, celle-ci est acceptée. La décision est unique en matière criminelle.
Ce qui n’était qu’une farce devient un cauchemar pour la victime, qui n’en revient pas. Des lettres de dénonciation sont alors envoyées aux plus hautes autorités du pays. Celles-ci saisissent le ministre de la Justice qui instruit l’inspection générale d’ouvrir une enquête. Au mois de novembre dernier, l’inspecteur général en personne auditionne les trois membres de la chambre d’accusation près la cour de Sétif et chacun des magistrats renvoie la balle au président de cette institution. Celui-ci se défend en affirmant avoir pris la décision « sous la pression » du président de la cour. Auditionné, ce dernier, qui, faut-il le préciser, jouit d’une réputation « d’homme intègre », aurait parlé d’une « intervention » d’un haut cadre de la chancellerie. Il y a deux semaines, les décisions de celle-ci sont tombées : une mise de fin de fonction pour les présidents de la cour et de la chambre d’accusation. Fait très rare en milieu d’année, notamment pour le président de la cour dont la nomination et la mise de fin de fonction relèvent des prérogatives du chef de l’Etat qui, généralement, sont prises lors des mouvements des chefs de cour.

La chancellerie a trouvé un compromis pour les deux magistrats afin de leur éviter toute décision disciplinaire du Haut Conseil de la magistrature : faire valoir leur droit au départ à la retraite étant donné qu’ils sont tous deux « retraitables ». Mais l’affaire fait boule de neige. Il y a quelques jours, l’inspecteur général du ministère de la Justice a auditionné les deux mis en cause, mais jusqu’à maintenant rien n’a filtré sur cet interrogatoire. Ainsi, l’enquête administrative suit toujours son cours et rien n’indique qu’elle s’arrêtera à ce niveau eu égard à la gravité des faits.

Pour de nombreuses sources judiciaires, la mise en liberté provisoire dont a bénéficié l’accusé à quelques jours de son procès, n’aurait pas été décidée « sans contrepartie » ; pour elles, « si le corrupteur est identifié, le corrompu n’est jusqu’à maintenant pas dévoilé ».
En tout état de cause, bon nombre de nos interlocuteurs estiment que l’importance de ce dossier tient au fait qu’il soit lié à un crime d’une lourde gravité : recourir au terrorisme, à l’aide d’engins explosifs, pour régler des comptes à des adversaires. Des faits extrêmement préoccupants, face auxquels la justice aurait dû être intransigeante.
Une quelconque connexion entre celle-ci et des actes maffieux serait le pire des maux qui pourrait gangrener ce qui est considéré comme étant la colonne vertébrale d’un Etat de droit, à savoir le système judiciaire. Affaire à suivre


Salima Tlemçani, El Watan

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