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Le 47e vendredi de la contestation populaire à Sétif : La résilience

dimanche 12 janvier 2020, par Hamoud ZITOUNI


En cet après-midi du vendredi du 10 janvier 2020, il faisait un froid à ne pas mettre son nez dehors. Le ciel était maussade, traînant quelques gros nuages gris. Vers 14 h, au pied du bâtiment préfectoral, et du Park-Mall, de part et d’autre de l’avenue de l’ALN, s’agglutinait une modeste foule de près de 500 à 600 personnes. On est loin des grosses mobilisations des vendredis précédant l’échéance électorale.

La lassitude a probablement fait son effet après plus de 10 mois de contestation. Mais la résilience semble encore forte, alimentée vraisemblablement par les sombres et peu rassurantes perspectives économiques et sociales et mêmes politiques du pays.

La masse humaine de protestataires est contenue par une barrière d’hommes en bleu, sans casque ni bouclier et sans violence faut-il le préciser. De l’autre coté de l’avenue, une autre foule moins nombreuse formée essentiellement de curieux, de badauds et de séniors, à peine une centaine est, elle aussi, confinée sur le trottoir donnant sur le mall. La double voie est ainsi libérée à la circulation routière.
On remarque de suite que le mystérieux et virulent groupe anti-hirak y est totalement absent. Son emplacement habituel sur le trottoir donnant vers le mess des officiers est vide et l’on comprend alors l’absence de casques et de boucliers chez les hommes de « l’anti émeute » qui apparaissent sereins et détendus contrairement aux vendredis précédents.

Les « baltagias » que la vox populi dit être commandités, dit-on, par des forces occultes de l’argent et de la politique sont fustigés à volonté par le hirak. Lors du 46 ème vendredi (auquel j’y étais absent), les hirakistes auraient essuyé des jets d’œufs de la part de ce mystérieux groupe qui a fait des apparitions discontinues, au gré des évènements, depuis septembre 2019. Un demi mal, car en d’autres lieux, l’on a enregistré des agressions violentes : Annaba, BBA…

Le grand étendard national qui flottait d’habitude majestueusement sur la foule est absent aujourd’hui. Mais de nombreux hirakistes, hommes ou femmes, le portent en plus petit format sur le dos. La bannière identitaire amazighe, quant à elle, n’apparait pas dans la foule. Mais elle ne semble plus faire l’objet d’interdiction depuis quelques semaines. Les pancartes, elles aussi, se font plus rares. On est loin de la profusion des écriteaux parfois très expressifs, revêches, amusants même, voire artistiques des premiers vendredis du hirak à Sétif.

Les slogans de ce vendredi, sont peu amènes avec la nouvelle gouvernance taxée d’illégitime au vu du déroulement électoral du 12 décembre précédent. Le gouvernement pléthorique où l’on retrouve des transfuges de l’ancienne classe dirigeante n’arrange en rien les choses pour réduire cette défiance radicalisée, du moins dans le verbe.

La foule des manifestants agglutinée devant l’entrée du siège de la wilaya décide vers 14 heures 30 d’entamer sa marche contestataire et pacifique sur les artères de la ville. Tout le long de son parcours, la procession du hirak grossira en effectif par des personnes qui s’y joindront pour diverses raisons : la contestation, la solidarité citoyenne, la curiosité, l’ambiance festive... Au final et après le périple habituel dans la cité, ils seront probablement près d’un millier à arriver au point de départ à partir duquel on se disperse pour rentrer chez soi. Encore un vendredi contestataire, pacifique, presque ordinaire dans le nouveau paysage sociétal que se partagent de nombreuses villes et cités du pays. Un jour, il faudra reconnaître au hirak ses nombreuses vertus, en particulier son rôle pédagogique de comportement citoyen, de l’acceptation de la pluralité, du respect de la chose publique, de la convivialité et de la solidarité. Il est miraculeux que l’Algérien, qui a traversé une décennie particulièrement sanglante et terrifiante suivie d’une double décennie de prévarication et de prédation débridées, proteste et conteste avec une grande civilité. Les dirigeants du pays aspirant à être en phase avec le peuple devraient même en prendre soin pour son rôle de baromètre social et politique, de retour d’écho brut mais réel, sans fioriture ni filtre édulcorant des pulsations sociales.
PS : Un incident m’a fait perdre les quelques photos prises. Une seule y a échappé et ce n’est nullement la meilleure.
H.ZITOUNI

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