SETIF.INFO

Accueil > Setif.info (1999-2021) > Evénements > Le Hirak à Sétif

Le 110e vendredi du hirak à Sétif : L’escalade ?

dimanche 28 mars 2021, par Hamoud ZITOUNI


Début d’après midi du vendredi 26 mars 2021. Temps au beau fixe. Il plane d’une douceur printanière sur la ville de Sétif. Dès 13h, la placette de la poste grouille de monde. Ce sont les premiers manifestants arrivés sur les lieux et, en chœur, brandissant l’emblème national, des portraits de martyrs de la révolution et des pancartes improvisées, ils scandent haut et fort leurs slogans phares. Les mots sont de plus en plus radicaux à l’égard des décideurs et de certains démembrements sécuritaires de l’Etat qu’ils accusent de violence et d’arbitraire. L’autocensure m’interdit de reproduire certains slogans que je trouve excessifs. Ma génération a vécu dans sa chair la cruauté et la barbarie du terrorisme qui a sévi durant la décennie noire en Algérie. Ni la loi amnistiante ni les discours mensongers visant à absoudre les terroristes de leurs horreurs ne les feront oublier. Ceci dit, tout acte attentatoire à l’intégrité physique, à la dignité et aux droits humains du citoyen est condamnable sans détour particulièrement s’il est commis par un agent de l’Etat.

Le slogan « makanche lintikhabat maa el issabat » (pas d’élection avec les gangs) revient en force. C’est un secret de Polichinelle que les élections dans notre pays sont truquées depuis très longtemps. Mais où est la solution ? Ce n’est certainement pas au hirak de la trouver mais aux acteurs politiques y compris ceux de l’opposition de la mettre en place et de veiller à sa stricte exécution comme on veille le lait sur le feu.

Vers 13h 30, n’étant plus contenue par la petite place de la poste, la foule des manifestants se déplace vers l’entrée du siège de la wilaya bardée par le même dispositif préventif anti-émeute. Aucun signe d’agressivité ni même d’animosité ne se remarque des deux côtés. Par le hasard des choses, les deux « camps » sont séparés par une vieille ligne jaune d’usage routier et personne ne la franchit. Seul un slogan repris à tue tête, de nombreuses fois, pourrait indisposer les hommes bleus silencieux : « Bolicia entouma thani dirou kima Toufik Hassani » (Vous aussi, policiers, faites comme Toufik Hassani). Incitation à la rébellion ? Non, probablement juste une invitation bravache à comprendre et respecter le hirak dans son droit de manifester pacifiquement sans recevoir des coups ni être arrêté. Le premier devoir de ce grand corps républicain est de veiller à la sécurité des citoyens et la préservation de leurs biens. Hormis, de rares fois où elle a opéré à des arrestations de paisibles manifestants ou dispersé la foule par la matraque, la police de Sétif a assuré convenablement le service de circulation des marcheurs du hirak et la protection des manifestants contre les baltagias (nervis) et autres casseurs téléguidés par des milieux occultes.

Vers 15 heures, alors que le sit-in devant le siège préfectoral connaît un afflux remarquable, les manifestants décident d’entamer leur traditionnelle marche selon le circuit habituel : Boulevard de l’ALN – Ararsa – Boulevard des entrepreneurs – puis retour vers le centre ville par les boulevards Ibn Sina et Cheik Laifa, trémie de Bab Biskra et enfin retour sans encombre devant la wilaya pour tenir un dernier sit-in. Au plus fort de la mobilisation – sur la place de Bab Biskra, le cortège manifestant comptait environ 2500 personnes. La gente féminine très peu représentée comptait à peine une trentaine. La présence d’enfants, parfois en bas âge est à priori choquante : ces petits ne devraient pas être mêlés à des actes politiques même pacifiques. Que peut comprendre un enfant ou même un adolescent du slogan « Madania machi askaria » (Etat civil pas militaire) ou encore des redoutables « Oulach smah oulach » (pas de pardon) et autre « Abla irhabia » (Abla terroriste) ? Le formatage des tout jeunes cerveaux est contre-productif voire désastreux. Le souvenir d’un tout petit garçon haranguant comme un perroquet la foule (acquise à l’islamisme conquérant) dans un stade d’Alger en fin des années 80 me revient à l’esprit. Qu’est devenu ce gamin formaté aux idées extrêmistes ?

Hamoud ZITOUNI

Portfolio

Dans la même rubrique