SETIF.INFO

Accueil > Setif.info (1999-2021) > Portraits

Belgacem Mébarki : Un maire parmi tant d’autres, déjà enterré

lundi 22 avril 2013, , article écrit par El yazid Dib et publié par La rédaction


Sidi El Khier. A quelques centaines de mètres du brouhaha urbain de la ville de Sétif. En ce 22 avril, une foule dense, homogène, presque du même âge ; était là présente pour l’ultime adieu à faire qui à un compagnon de lutte, qui à un proche ami, qui à un collègue, qui à symbole. La chronique retiendra qu’en ce jour là, Cheikh Hadj Belgacem est remis dans son linceul dans sa dernière demeure. La caractéristique dominante de ce regroupement c’est qu’il n’y avait aucun officiel. L’absence de tout protocole, et c’est tant mieux dira la majorité ; a fait que le recueillement était d’une foi sincère que les regards, les âmes, les souffles n’étaient qu’à la mémoire du mort et envers sa dépouille mortelle. Pas pour les VIP. C’était aussi un conclave très convivial, cordial et intime. Il y avait de tout. Des moudjahidines, des retraités, des enfants de la ville. L’un d’eux me dira « un wali ou un chef de daïra qui vient ici, le fait par mission et non pas par conviction affective ou religieuse »

L’assistance, toute affectée, connaissant de prés le défunt est prise en émotion et se refuse à sa ressaisir lorsque un son d’un ton enchanteur vient pour exprimer l’oraison funèbre dédiée à cet homme. L’homme qui la lisait n’est autre qu’un autre Monsieur du même gabarit de feu Si Belgacem. Cheikh Bouzid Gharzouli, ancien maire lui aussi ; dans une prose digne de son rang et conforme aux règles syntaxiques et lyriques qu’enseignait le récipiendaire défunt de son vivant ; captait son auditoire quand il déroulait dans un arabe châtié mais accessible, le long parcours du regretté.

L’on saura ainsi dès l’amorce du discours d’adieu, que le défunt était un membre actif du mouvement de libération nationale. « Nous sommes là pour assister et constater le passage vers la clémence divine d’un élément de la génération révolutionnaire » affirme Monsieur Gharzouli pour continuer son envolée « d’implorer Dieu le tout puissant pour fournir à ce peuple une génération descendante meilleure que l’ascendante »

Tous les qualificatifs de l’intégrité, de l’abnégation et de la simplicité sont collés au personnage disparu. Né voilà 84 ans, dans une famille modeste, résidant à Sétif, Si Belgacem perdit très tôt son père. Il vivra ainsi dans le dénuement et la privation qui cernent tout orphelin précoce. Apprenant dès son jeune âge le Saint Coran, il alla parfaire ses connaissances linguistiques au sein des écoles des Oulémas Musulmans, dont le rayonnement de l’Association à Sétif était dynamique. Et c’est dans son giron que son nationalisme prenait de l’ampleur et son patriotisme se renforçait davantage. Le défunt, par-devant les aléas de l’indigence sociale dont souffrait tout le peuple, quitta le pays non sans aigreur pour se rendre au-delà de la méditerranée, en France où il séjourna un certain temps.

Au déclenchement de la révolution armée contre l’occupant ; Si Belgacem rejoignait la résistance et intégrait volontairement les rangs des vaillants moudjahidines. Militant dans la Fédération de france, il retourna au pays, mais fut arrêté, torturé et transféré à la prison, dans le camp de concentration sis à Medjana, dans la wilaya de BBA. Il y resta jusqu’au cessez le feu.

De retour à la vie civile, il se consacra à l’enseignement en parallèle de ses activités politiques. Il est connu dans la famille de l’éducation pour avoir été ce modèle, ce maitre exemplaire et donc beaucoup d’élèves se souviennent de son brio et de sa prestance littéraire. Popularité qui fit de lui, par élections interposées le secrétaire général de la fédération des travailleurs de l’éducation nationale, le 20 septembre 1975. Il connut les instances du FLN, en fidele militant et fervent défenseur des acquis populaires dus à la glorieuse révolution. Il est élu maire de la ville de Sétif début 1976. A cette époque là aussi, il n’y avait pas de tête de liste. Une liste unique, les électeurs choisissait leur favori et le premier classé est carrément et arithmétiquement élu maire. C’est sous sa houlette de P/apc et celle évidemment du FLN que les principaux textes fondamentaux alors du pays allaient été discutés en plein débat. La constitution et la charte nationale. Il reçut en visite officielle le président Houari Boumedienne avec qui, il eut un langage franc et direct pour le devenir de la ville. Notamment à propos du « site provisoire » de l’assiette foncière de l’université de Sétif encore en embryon, décidé par le wali de l’époque ; chose qui avait irrité Boumedienne, donnant raison à Si Belgacem. La maire alors était dans l’ancien siège, y compris le cabinet du maire. À côté d’Ain fouara.

Voilà ce que j’écrivais en 2001 « Même la politique se faisait, autrefois ; autrement. Le wali était le wali, le maire ; maire. Si Belgacem Mébarki, Ahmed ellasso, Bouzid Gharzouli ou Khababa ; furent de ces maires affables mais très attentifs. Véritables Chefs de mairie, et non gardes-chiourme d’une « annexe » aux ordres de je ne sais qui ».

Voilà ce que j’ai écrit le 5 avril 2013 à 08:37 dans ce même site comme commentaire suite à la disparition d’un ancien Wali de la république feu Gouhmaz Mohamed Lakhdar sous le titre de « Quelques icones de Sétif » « …moi je conçois qu’il s’agit là d’un devoir moral et citadin que de rendre hommage, hélas, parfois à titre posthume à ceux et celles qui ont eu à faire quelque part un bout de ce pays. Et ceci n’est en fait qu’une « faiblesse de foi » (wa dhalika adh3fou el iman). En somme, chers amis, il reste beaucoup à faire. Savez-vous qu’il y a des hommes, pas des moindres qui souffrent en silence, qui meurent chaque instant dans un terrible isolement car malades alités ? Je ne peux citer parmi tant d’autres que Cheikh Belgacem Mebarki ancien maire de la ville du temps de Boumediene, Monsieur Abdelkrim Baabouche, grand militant, ex-détenu, premier député de la ville en compagnie de Ait Ahmed. Monsieur Salah Guenifi, ancien cadre de l’Etat ex-chef de daïra, ancien sénateur de Sétif et fils de Si Mahmoud l’un des pionniers du 08 Mai 45, Mabrouk Keddad ancien cadre de la wilaya (DRAG), ancien condamné à mort. Et bien d’autres que mes absences fréquentes de Sétif n’ont pu me permettre d’être à jour. Ce sera avec les concours de vous tous et l’aide de Dieu, que je compte narrer, retracer, suivre et consigner le parcours des uns et des autres.Ceci peut être pris pour un appel à contribution : tout élément biographique, fait ou événement relatif à l’une des personnes citées ou autres omises sera le bienvenu … »

Prémonition ou encore je ne sais quoi, voilà que la nouvelle du décès de Si Belgacem vient frapper nos mémoires. Voisin limitrophe, je lui voue un respect irréprochable. Citoyen je l’admire pour sa grâce morale. Courtois, vaillant et courageux ; cet ancien maire durant son mandat électoral avait vu Sétif se faire déjà.

Puis-je dire encore combien sont-ils, ces gens enterrés avant échéance, qui sucent dans leur silence le silence des autres jusqu’à se rendre et le rendre rachitique ? Que

Dieu tout puissant lui accorde clémence et miséricorde. Repose en paix 3ami Belgacem.


El yazid Dib

Dans la même rubrique