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El-Eulma

Comptoir commercial cherche argen

mardi 3 mai 2005, par La rédaction


À l’Est, et à un quart d’heure de la ville de Sétif, se trouve El-Eulma. Chef-lieu de daïra,186 403 habitants, la localité a connu ces dix dernières années, notamment avec la réalisation de l’autoroute, un boom extraordinaire sur le plan économique.

El-Eulma est réputée dans le reste du pays par son marché et le nombre important d’importateurs officiellement établis, dépassant les 700. Qui n’a pas entendu, au moins une fois, parler du marché de Dubaï qui draine, quotidiennement, des milliers de curieux et de clients ? Ils viennent des quatre coins du pays pour s’approvisionner en électroménager, en ameublement, en tissus, en vêtements, en articles de ménage, en informatique, en cosmétique... Une véritable caverne d’Ali Baba.
Cette dynamique est une machine huilée à coup de milliards et de grosses transactions. Si elle a donné un nouveau souffle à la ville, devenue un comptoir commercial par excellence, elle a aussi créé une nouvelle classe sociale de gens fortunés, devenus des notabilités. Cela ne s’est pas fait sans casse. En marge de cette croissance, à laquelle le tissu social n’était pas préparé, maux sociaux et affaires scandaleuses se sont développés. Un inventaire non exhaustif de ces affaires est éloquent. El-Eulma, c’est aussi la récente saisie de 72 kg de kif traité et plus de 6 000 plaquettes de psychotropes par les éléments de la Gendarmerie nationale, ou encore le démantèlement d’un réseau de trafic de stupéfiants. Mais, le fait le plus grave, et qui prend de plus en plus d’ampleur, est celui de la prostitution. De nombreux citoyens se sont rapprochés de notre bureau, pour dénoncer “un fléau qui menace sérieusement une jeunesse perdue et sans défense, devenue la proie de personnes sans scrupules qui exercent dans l’impunité totale au vu et au su de tout le monde, autorités comprises", selon leurs dires. En nous déplaçant sur les lieux, nous nous retrouvons en plein no man’s land.
À 10h, par une splendide journée printanière, sur une bifurcation de la RN 5 reliant Constantine à Sétif, dans les sentiers de la forêt “Ahmed-Benbella” et aux abords d’un cimetière, se relaie un ballet incessant de véhicules de toutes marques. Leurs occupants, des nouveaux riches et des “guellil”, viennent dans ce lieu, à la fois paradisiaque et sinistre, se payer du bon temps, chacun selon ses moyens.
“La marchandise”, par ces temps de déliquescence, ce sont des jeunes filles, certaines encore adolescentes, qui monnayent leurs charmes dans les fourrés. L’alcool et les joints sont consommés en abondance. Pour notre interlocuteur, âgé dune cinquantaine d’années et qui ne cache pas son identité, c’est le paradoxe le plus total. Ce qu’on tolère, c’est le côté illégal de la chose. Ancien émigré, il décide d’investir et de s’installer définitivement à El-Eulma. Ayant hérité, à la mort de ses parents, d’un hôtel de 18 chambres, il construit un restaurant avec débit de boissons alcoolisées. “J’ai investi près de 4 milliards de centimes. J’ai un projet de construction d’un motel, employant 50 personnes, tous affiliées à la Sécurité sociale. Je veux travailler légalement et payer mes impôts. Mais, je me heurte, à chaque fois, à l’avis défavorable des services compétents. On m’avance comme prétexte la proximité du site avec la mosquée et le siège d’un commissariat. Pourtant, le président de la République ne cesse d’encourager les enfants du pays à investir !”, dit-il.
El-Eulma c’est aussi le cri de détresse des habitants de la rue Mohamed-Khemisti, qui n’ont pu empêcher l’abattage d’une cinquantaine d’arbres, en plein milieu de la nuit, pour élargir la rue. “Ils ont tué Mohamed Khemisti une deuxième foie", nous dira l’un d’eux. Mais, les citoyens sont loin de baisser les bras.
Quelle belle image nous a été offerte que celle de ces riverains replantant de nouveaux arbres à proximité de ceux arrachés... Une véritable leçon de civisme.

Liberté

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