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Boualem Zerouati, le bouquiniste résistant

mercredi 2 septembre 2020, par APS


Vue de l’extérieur, une boutique située au centre de Sétif, rue Colonel Si Haouès, ne paie pas vraiment de mine, mais suscite la curiosité une fois franchie la porte du local.

En dehors des habitués des lieux, personne ne se serait douté qu’il s’agit d’un local de bouquiniste, n’eût été le mot "livres" peint en treize langues sur une petite façade blanche, toute simple, encadrant une vieille porte quadrillée de petites vitres, mais sans fioritures.

Une fois le seuil franchi, l’ont est tout de suite "happé" par cette atmosphère si particulière, si studieuse que dégagent les endroits voués à la lecture et aux livres.

La sobriété des lieux, où des centaines de livres emplissant un vieux meuble et une batterie d’étagères sans prétention constituent, avec quelques tables, le seul décor, sied parfaitement au propriétaire des lieux, Boualem Zerouati, la soixantaine alerte.

Cet ancien professeur de langue française, amoureux des livres, exerce ce métier depuis plus de vingt-cinq ans et ne l’échangerait "pour rien au monde," confie-t-il.

Son local, ouvert à tous, est surtout fréquenté par des étudiants qui y trouvent invariablement leur bonheur au regard du caractère éclectique de la collection de livres mis à leur disposition. Physique, mathématiques, philosophie, essais, annales, revues et ouvrages romanesques se côtoient dans un joyeux méli-mélo.

Il suffit juste d’avoir la patience nécessaire pour "farfouiller" puis "démêler l’écheveau" pour trouver ce que l’on est venu chercher.

L’effort, réel au demeurant, de classement des différents rayons par thème ou par discipline, n’enlève rien au côté "patchwork" des étagères et c’est précisément ce qui fait le charme de l’endroit éclairé à giorno et où l’ambiance semble avoir quelque chose de magique.

Boualem Zerouati regrette cependant l’attrait "encore beaucoup trop relatif" qu’exercent les livres sur les jeunes. Il estime que l’école devrait jouer un rôle plus important pour inciter les écoliers, les collégiens et les lycéens à la lecture, mais "toujours de manière pédagogique."

Ce bouquiniste aime tellement son métier qu’il en a fait, il y a quelques années, le thème d’une communication donnée à l’université de Pennsylvanie, aux Etats-Unis, à l’invitation d’une association d’Algériens établis outre-Atlantique.

"Les bouquinistes dans la ville algérienne de Sétif", titre de sa conférence, avait suscité un réel intérêt, ce dont il n’est pas peu fier. Car il faut savoir, explique-t-il, qu’(il) "n’est pas seul à exercer cette activité.".

Selon lui, deux ou trois passionnés font le même métier "de façon itinérante, en sillonnant villes et villages, mais ils ne sont pas très connus car très peu médiatisés."

M.Zerouati insiste, par ailleurs, sur "la nécessité de ne pas confondre libraire et bouquiniste."

Le libraire, souligne-t-il, "achète et expose des livres pour les revendre, tandis que le bouquiniste n’érige pas l’objectif commercial au rang de priorité."

Concédant que de nombreux libraires sont aussi des passionnés de lecture, il soutient que son activité lui "permet d’abord de vivre au cœur de sa passion tout en mettant des ouvrages à la disposition des lecteurs, ceux-ci pouvant lire sur place ou emprunter des livres moyennant de modiques sommes d’argent."

"J’aime également aller au-devant de mes clients pour m’enquérir de leurs centres d’intérêt afin de leur conseiller des livres," , ajoute ce bouquiniste.

Etre à l’écoute et être de bon conseil constituent les principales motivations de cet ancien professeur dont le vœu le plus cher est de transmettre sa passion à quiconque franchit le seuil de sa petite boutique.

Pour finir, Boualem Zerouati, friand de citations et de belles sentences de la sagesse populaire, glisse ce proverbe arabe qui illustre, selon lui, la beauté de la lecture : "un bon livre est un jardin que l’on transporte avec soi.

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