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Ils traînent derrière eux la misère

Les gens de la rue

dimanche 2 juillet 2006, par Bougaa


En marge de la société, vit une frange de la population que l’on prend soin d’ignorer, même si elle fait partie intégrante de notre paysage quotidien. Les sans domicile fixe ou plutôt ceux qui vivent dans la rue. Ils ont investi la rue ; ils sont seuls, en famille ou en groupe. Ils viennent d’horizons divers, de villes ou villages éloignés de Sétif et même de la ville. Chacun d’eux a une histoire et chacun est un cas à part.

Il y a la femme qui a fui son village natal et la mentalité de sa famille ; l’alcoolique qui a fui ses responsabilités, sa femme et surtout ses enfants ; l’homosexuel chassé par sa famille et ses proches ; le gosse qui tente d’échapper à la misère de sa famille pauvre et en voulant se faire une vie ou encore l’ancien malfrat « redjla » tombé bien bas et qui n’a d’autre lieu que la rue pour perpétuer ses illusions. Certains traînent une progéniture gagne-pain comme un boulet. Cette progéniture passe la journée à mendier et à chaparder de-ci, de-là. Ce sont là leurs seuls moyens de subsistance. Durant la journée, les gens de la rue, à Sétif, se font discrets, à l’exception de quelques malades mentaux ou encore les nombreux mendiants qui « travaillent », les autres investissent les jardins publics et aussi le parc d’attractions par temps chaud, et quand il fait froid, ce sont les cages des immeubles ou encore les arcades de la ville qu’ils occupent. Les alentours des lieux de restauration sont leur lieu de prédilection. La nuit, les gens de la rue réinvestissent la ville, ils réapparaissent comme par enchantement. Avec armes et bagages ou encore enfants, ils s’installent pour dormir, ils choisissent des lieux éclairés et fréquentés. Ils s’installent sur la placette qui fait face au commissariat central et à la cour de Sétif. « Là, nous sommes sûrs que personne n’osera s’en prendre à nous », dit Laïd, un alcoolique, qui vient de se séparer de son groupe pour s’offrir le plaisir de boire son alcool tout seul. Ils aiment aussi les alentours de Aïn El Fouara, un lieu tout le temps animé. Les arcades à proximité de certaines banques du centre-ville ou encore la gare ferroviaire. Beaucoup d’entre eux ont choisi leur territoire et personne ne pourra les en déloger. Ces lieux sont toujours bien éclairés et bien fréquentés, ce qui leur confère une certaine illusion de sécurité. « Nous sommes bien ici, les gens qui nous entourent sont une protection pour nous tous, personne n’osera s’attaquer à nous, parfois nous sommes importunées par des sadiques, mais nous nous débrouillons toujours pour nous en débarrasser », raconte S., une des filles qui vivent dans la rue. Elle ajoute : « La rue n’est pas sans danger, les agressions sont fréquentes, le racket aussi. Il faut savoir y échapper et s’en protéger. » « Nous vivons surtout de la générosité des gens, nous n’avons aucune ressource, nous ne travaillons pas, beaucoup d’entre nous, surtout les hommes, sont des alcooliques, certaines filles se droguent, elles se débrouillent comme elles peuvent pour s’acheter leurs cachets et autres psychotropes ou encore pour permettre à leur homme de se saouler », raconte l’une des femmes, qui préfère garder l’anonymat. « Personne ne se soucie de notre existence, ni de notre activité. On se souvient de nous, lorsqu’il y a une visite officielle à Sétif, là, on nous ramasse dans des camions pour nous éloigner de la ville, le temps de la visite », ricane, amer, Kadour, le « redjla » alcoolique. Aux services sociaux, à l’APC et surtout à la direction de l’action sociale (DAS), c’est un autre son de cloche : d’abord, peu de gens originaires de Sétif sont SDF, la plupart de ces gens de la rue viennent des villes, voire de wilayas éloignées. Ils viennent surtout de M’sila, Biskra et Bou Saâda. Leur principale activité est la mendicité. Leur nombre n’est pas important, en temps normal. En été, on constatera une hausse du nombre : les gens (de toutes les classes), qui fuient la chaleur de Biskra et de M’Sila, passent l’été un peu plus au nord et si les plus aisés louent des maisons, les mendiants les suivent dans l’exode. Et ceux-là n’ont nullement besoin que l’on s’occupe d’eux, ils ont une activité lucrative et ni la DAS ni les services sociaux de l’APC ne peuvent les comptabiliser, ni les obliger à résider à la Maison de la solidarité. Le DAS de Sétif déclare : « Ces gens ont choisi un mode de vie et ils ne veulent pas le changer. Ils jouent au chat et à la souris avec nos services. Comment voulez-vous qu’une personne qui gagne 2000 à 3000 DA par jour accepte de rester enfermée toute la journée ? » Ces actions n’ont de l’effet qu’en hiver. Là, les gens de la rue, alcooliques, malades mentaux ou encore mendiants amoureux de Sétif, sont hébergés de force, et pas pour longtemps, à la Maison de la solidarité ou encore à l’auberge de jeunes de Sétif. Les services sociaux ont demandé la création d’un centre d’accueil pour ces personnes et une promesse leur a été faite par le wali. Des SDF ont déjà été victimes de la rudesse du temps de la capitale des Hauts-Plateaux. Et l’hiver, c’est dans pas très longtemps....

Nabil Leulmi

Source : El Watan

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