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Avec la platitude du champ artistique

Aucune raison d’être pour la critique à Sétif

mercredi 20 septembre 2006, , article écrit par Abdelhalim Benyelles, La Tribune et publié par La rédaction


Poser le problème de la critique en général en Algérie serait dévoiler les fluctuations d’un champ artistique et culturel en décadence et qui ne parvient pas à générer un véritable marché de l’art. Pour le cas de Sétif, le problème majeur en question relève de la platitude des représentations culturelles. La majorité des associations sont logées au niveau de la maison de la culture et dépendent de la programmation de spectacles circonstanciels de la tutelle.

Le manque de scènes -nombre de salles sont fermées, toutes en fait- présente certes un problème crucial.
Les représentations artistiques et culturelles demeurent conjoncturelles et officielles. Le cas du festival de Djemila incarne l’exemple de la conjoncture, qui souvent est sous-tendue par le politique et reste loin des exigences du marché culturel appelé à tracer les contours de la nouvelle industrie culturelle et par là même à s’imposer comme une réalité économique dans le cadre des impératifs de la mondialisation.

Les déclarations de Aït Menguellet, invité au festival de Djemila, incarnent à ce sujet la sécheresse du marché de l’art en Algérie, inapte à mobiliser l’élite artistique et culturelle nationale malgré la fidélité du public. Pour preuve, l’artiste kabyle ne s’était jamais produit auparavant à Sétif. « Je ne savais pas au départ que le festival de Djemila était placé sous l’égide de la solidarité avec le Liban », a-t-il déclaré aux confrères à Sétif à propos de l’orientation militante imprégnée à la manifestation culturelle.

Pourtant, au vu des nouvelles exigences et règles économiques en vigueur dans le monde entier, toute action artistique se doit d’être rentable et est soumise à l’évaluation, d’où l’application des règles du marché. A ce titre, l’intervention rationnelle du spécialiste, la critique d’art en l’occurrence, est plus que nécessaire. Car, par son action, la critique se pose comme un repère pour l’artiste et un référent fiable qui pourrait l’aider à se corriger, s’améliorer et par delà participer à l’essor de la production culturelle et à la mise en place d’une industrie et un marché de l’art.
A Sétif, la production artistique vit, depuis de longues années, sa traversée du désert et rien n’augure l’éveil culturel tant attendu. Pourtant, il est utile de le rappeler, la ville, en sus de l’activité permanente de quatre salles de cinéma, avait son théâtre municipal, qui a été construit au début du XIXème siècle. A cette époque, les citoyens de Sétif bénéficiaient de la publication de deux bi-hebdomadaires, la ville recevait des hommes de culture à l’image du père du théâtre égyptien, Mohamed Wahbi, et les visites périodiques de troupes théâtrales itinérantes de Constantine.
Actuellement, même les magasins de l’art traditionnel qui pourraient suppléer aux galeries d’art n’existent pas.
Dans ce contexte, les artistes rencontrés s’accordent à dire qu’en l’absence de représentations culturelles, la critique d’art ne peut exister. Elle n’a pas sa raison d’être. Et ce n’est pas un paysage artistique animé conjoncturellement par l’administration à l’occasion de fêtes nationales ou de cérémonies officielles, qui pourra, selon un jeune chanteur chaabi, aider au développement de l’art et la culture, et constituer, par conséquent, cette raison d’être de la critique.
Dans le domaine théâtral, en l’absence de revue littéraire nationale, le critique et l’artiste ne peuvent établir ces rapports qui doivent les lier, expliquera un homme de théâtre de Sétif dont le souci majeur demeure l’instauration d’habitudes artistiques et culturelles parmi la population. Notre interlocuteur se dit militant pour une culture qui mettrait l’effort artistique à l’abri de l’opportunisme, du bricolage et du médiocre amateurisme.

Rappelons à ce titre que la revendication principale des troupes locales est la socialisation de la culture. Autrement, les conséquences seront déplorables, dira un jeune artiste qui, pour illustrer son propos, évoque le cas demeuré insolite de cette représentation théâtrale durant cet été au théâtre municipal de Sétif pour laquelle il n’y avait que deux spectateurs dans la salle, parce que pour tous, le théâtre était fermé.
On déplore aussi l’absence de journal local car les critiques pourraient intervenir dans ses colonnes afin de faire connaître au public la qualité des productions et créations artistiques.
En effet, mis à part les comptes-rendus de pièces théâtrales et les présentations d’ouvrages ou d’expositions, les correspondants de presse ne peuvent pas accomplir le travail d’évaluation, d’orientation et de filtrage du produit littéraire que fait la critique.


Abdelhalim Benyelles, La Tribune

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