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Un deuil à Sétif (3 et fin)

lundi 29 octobre 2007, par La rédaction

Elle a beaucoup de sens, cette façon de parler de l’école par « le bas », par les choses les plus simples, apprendre aux enfants à lire, écrire, compter et ne pas les épuiser sous la charge de cahiers et de cartables en définitive peu utiles au vu des résultats. K. et N. savent de quoi ils parlent. Leurs métiers, si différents pourtant, les mettent en contact constant avec la population, vieille ou jeune. N. parle quand même avec de l’amertume des problèmes de santé, de ces jeunes médecins payés à 8000 DA pour « tenir » les urgences, des hôpitaux qui se déglinguent, de ces praticiens dévoués confrontés à un système qui semble tout faire pour les décourager et de ces médecins, aussi, qui ont perdu le souvenir de leur serment et « naviguent » avec, en tête, l’idée de se placer dans le courant des affaires avec les laboratoires et si pleins d’autres choses.

Quand mes amis parlent de la santé, ils vous dressent le tableau le plus contradictoire mais aussi le plus saisissant de l’état du pays avec l’impression de l’impunité des chefs, petits ou grands. A l’hôpital de Sétif, dans une unité d’observation des malades à risque, des ouvriers remplacent les vieux radiateurs. Vous savez, ces vieux radiateurs en fonte qui coûtent une fortune et vous tiennent des siècles avec un bon entretien. Et dans la salle, avec les malades, ils font le bruit que vous devinez jusqu’au jour où ils provoquent, par une erreur quelconque, une fumée épaisse et suffocante. Au milieu des malades ! Évidemment, la première impression est celle que le responsable peut tout faire, il peut faire ce qu’il veut comme si d’avance il jouissait de l’impunité.

La discussion roula sur bien d’autres sujets. A chaque fois, il apparaissait clairement qu’une crise de gestion du pays désespère les citoyens encore attachés à la patrie, à l’idée d’Algérie. Mais avec une sorte de sentiment d’impuissance à agir, à arrêter le massacre, à faire quelque chose de significatif. K. résumera tout cela en disant qu’il fallait une explosion, un soulèvement populaire. Un soulèvement dans les conditions actuelles ? Ce serait une catastrophe pour la société et du pain bénit pour le pouvoir qui est armé et organisé pour en tirer profit. Tant pis, plutôt une explosion que cette impuissance face au drame qui frappe le pays. Nous savions tous que les jeunes ne veulent pas de l’explosion mais de la harga. Partir, partir à n’importe quel prix, partir n’importe comment, partir n’importe où. Ils sentent cette envie chez tous, les jeunes, les vieux, les chômeurs et les fonctionnaires, les illettrés et les étudiants. C’est encore plus terrible à Sétif dont les enfants ont appris plus tôt que les autres à mourir pour le pays et non mourir pour le fuir.

MOHAMED BOUHAMIDI
mbouhamidi2001@yahoo.fr
Le Soir d’Algérie


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