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Tribunal correctionnel de Sétif : Report de l’affaire du scandale des investissements de l’ENPC

mardi 29 janvier 2008, , article écrit par I. Sellami, Le Soir d’Algérie et publié par La rédaction


Prévu hier, devant le tribunal correctionnel de Sétif, le procès de l’affaire dite des investissements de l’ENPC a été finalement reporté au 11 février prochain.

Dix prévenus, des hauts cadres de cette entreprise, à savoir A. Mohamed, 55 ans, ex-DG de la filiale Sofiplast (Sétif), S. Abdemalek, 55 ans, ex-DG de la filiale Soexplast (Médéa), S. Belgacem, 62 ans, actuel DG du groupe, D. Ali, 59 ans, ex-DG de la filiale Sofiplast, D. Mustapha, 48 ans, exdirecteur central du groupe, D. Saïd, 46 ans, ex-directeur de l’unité Sofiplast, M. Hacène, 44 ans, actuel directeur technique à la Sofiplast, H. Mouloud, 56 ans, ex-P-dg de la Sofiplast, R. Mohamed, 58 ans, actuel DG de la Soexplast et enfin B. Abdelhalim, 43 ans, directeur-adjoint de la filiale Tarsi (Sétif), sont poursuivis devant le tribunal correctionnel pour passation de marchés non conforme à la législation, dilapidation de biens publics et abus de fonction. Une affaire qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, puisqu’elle a touché une entreprise qui fut un des fleurons de l’industrie du plastique en Algérie.

Selon l’arrêt de renvoi du juge d’instruction, l’affaire remonte au 23 février 2005 lorsque le responsable de la brigade économique et financière de la sûreté de wilaya de Sétif avait établi un rapport sur la passation d’un marché douteux effectué par le groupe ENPC ayant engendré, selon le rapport de la police, un préjudice estimé à 14 milliards de centimes. S’étant saisi de cette affaire, le parquet va alors ouvrir une instruction judiciaire en confiant l’enquête à la section de recherche de la Gendarmerie nationale de Sétif. Ainsi et après une minutieuse investigation réalisée par les éléments de la brigade de recherche de la Gendarmerie nationale, qui a duré plusieurs mois, de nombreuses irrégularités ont été constatées dans l’achat des équipements de réhabilitation destinés aux filiales Sofiplast (Sétif) et Soexplast (Médéa) appartenant au groupe ENPC. La déviation enregistrée dans le choix du partenaire cocontractant, avec contournement de la réglementation et transgression des règles à même de préserver les privilèges de la compétition, ont entraîné mécaniquement une distorsion des règles de la concurrence, au détriment des intérêts du groupe ENPC, pénalisant ainsi l’investissement et l’entreprise. Selon l’arrêt de renvoi du juge d’instruction, l’enquête a permis de mettre à nu les dessous de l’affaire des investissements réalisés au niveau des plus importantes filiales du groupe. Le projet de réhabilitation de l’entreprise, initié en 2001 est passé de l’enveloppe de 35 milliards de centimes à plus de 70, pour acquérir des équipements high-tech. Durant la concrétisation des projets, les filiales concernées ont connu une instabilité au niveau de leurs directions respectivement, et presque en même temps. En ce qui concerne la filiale de Médéa, avec le lancement des projets, le directeur de la filiale, M. K. Youcef, avait été limogé et remplacé par un cadre de l’entreprise, spécialisé en sécurité industrielle et environnement, S. Abdelmalek. Ce dernier s’est vu dessaisi du traitement des dossiers permettant le choix des fournisseurs. L’arrêt de la procédure avait été dicté par le groupe pour jumeler l’opération avec celle de même nature, engagée par la filiale Sofiplast-Sétif, alors que les deux filiales constituent deux personnes morales indépendantes l’une de l’autre. Le DG de Médéa n’avait jamais participé aux négociations avec les fournisseurs, avait signé tous les contrats et avenants, après que la filiale de Sétif eût finalisé le travail relatif au choix des fournisseurs. Pour la filiale de Sétif, le dossier était dirigé par un ancien directeur, D. Ali, qui avait formé des commissions devant constituer les organes de contrôle interne. Après ouverture des plis en présence d’un huissier de justice et des soumissionnaires ayant retiré le cahier des charges, la commission technique s’est penchée durant des mois à étudier et analyser les offres des soumissionnaires, l’enveloppe disponible était insuffisante pour atteindre les objectifs tracés initialement dans le choix des équipements, la banque ne voulant pas, au début, céder à la demande de rallonge. Le projet avait été réorienté vers des équipements moins onéreux, mais de haute technologie. Les conclusions de l’étude comparative de la commission technique des soumissionnaires finalistes avaient abouti à un choix reposant sur le fournisseur le plus avantageux sur le plan technique, à savoir la société allemande Khune. Et c’est cette démarche qui a été entérinée par la commission des marchés de la filiale, le 23 juin 2002. Deux jours plus tard, le partenaire cocontractant avait été informé de sa réussite à la compétition pour être convié à se présenter pour la signature du marché. Le 26 juin 2002, le directeur général de la filiale, D. Ali, fut écarté de son poste pour occuper le poste de DGA (en restant chez lui, jusqu’à expiration de son contrat, en gardant bien sûr tous les avantages liés au poste, salaires, voiture, variables, portable...) ; à noter que les mêmes dispositions avaient été appliquées pour le DG sortant de la filiale Soexplast de Médéa, le 24 juin 2002. Le DG entrant à Sofiplast, H. Mouloud, dès sa prise de fonction, a mis de côté le travail des commissions, changé de cap et repris les contacts avec le fournisseur éliminé, à savoir Windmoller, une autre société allemande, avec qui il signe le marché le 13 août 2002. Le DG de Médéa signera lui aussi le contrat avec Windmoller. Les marchés conclus supposaient la fourniture d’extrudeuses tricouches et devaient permettre la réalisation d’une gamme de production de 7 produits. Au mois d’octobre 2002, les responsables de la filiale Sofiplast accompagnés du P-dg du groupe effectuèrent une mission en Allemagne pour discuter de l’aspect technique des équipements, ainsi que son plan de production. Au cours des discussions, il s’avéra que les équipements n’étaient pas en mesure de produire la gamme de produits contractuellement préconisée et que celle-ci sera réduite à 4. D’autres modifications ont été convenus par procès-verbal. Selon le juge d’instruction, le P-dg du groupe, à savoir S. Belgacem, aurait rejoint l’Allemagne via Tunis, une journée avant l’arrivée de son staff. En mois d’avril 2003, un avenant relatif à la fourniture d’un groupe froid des extrudeuses avait été signé avec le même fournisseur.

Une décision prise unilatéralement, sans l’aval d’aucune commission. Le montant des avenants ramènera le coût des extrudeuses à 3 711 000 euros, contre 2 800 000 euros proposé par le premier concurrent retenu, Kuhne. La renégociation des marchés déjà conclus avait finalement abouti à une réduction des performances des machines et une augmentation des surcoûts. D’après le juge d’instruction chargé de l’affaire, un deuxième virage dans l’affaire avec le fournisseur des équipements a été effectué, il s’agit, cette fois, de l’élimination du P-dg de la filiale Soexplast-Médéa qui a été évincé par une résolution de l’AGEX du 22 février 2003. Quant au limogeage du P-dg de Sofiplast-Sétif, il a été effectué le 2 juillet 2003, juste au moment où celui-ci devait se rendre en Allemagne pour inspecter et signer les tests d’acceptabilité des équipements dans les usines du fournisseur. Un autre cadre fut désigné par le P-dg du groupe pour effectuer cette mission. Ce dernier signa la réception des machines en Allemagne ainsi que les tests de réception provisoire dans l’usine de l’acheteur. Les équipements, qui devaient entrer en production 6 mois après la signature des contrats, ont connu 13 mois de retard. La réception provisoire ne s’est faite que sur un seul produit au lieu de sept et a été déclarée fructueuse, alors que des traces de corrosion avaient été constatées sur des pièces maîtresses de la machine lors des essais. Le préjudice a été estimé par la justice à 250 millions de dinars. L’arrêt de renvoi fait état d’une machine ayant coûté la bagatelle de 5,5 milliards de centimes et qui n’est jamais entrée en activité. Aussi une importante quantité de matière première acquise pour un montant de 1,5 milliard de centimes, sera déclarée inutilisable puisqu’elle a dépassé la date de péremption. La même démarche avait été adoptée avec le fournisseur espagnol Comexi sélectionné pour la fourniture des machines imprimeuses. Les contrats signés en juillet 2002 d’un montant de 2 millions d’euros avaient été suivis de deux avenants (dont un avenant pour avenant), pour un montant de 902 000 euros. Les avenants concernent la fourniture des équipements qui n’ont rien à voir avec l’équipement initial (le marché en question). Cette procédure devrait requérir normalement l’aval des organes de contrôle des marchés, chose qui n’a pas été respectée. Par contre, la commande des équipements s’est effectuée dans les usines du fournisseur sur simple échange de fax entre le Pdg et son chef d’exploitation. La machine « contre-colleuse » achetée par avenant s’avérera par la suite improductive et n’a jamais fonctionné, et ce, depuis son installation sur le site de l’ENPC, alors que les procès- verbaux des essais de réception de la machine attestent eux aussi qu’ils ont été fructueux. L’un des avenants a été domicilié à la banque avec des erreurs de calcul au profit du fournisseur d’un montant de 6 000 euros.

L’instruction a fait ressortir qu’au mois d’octobre 2002, le fournisseur Khune avait présenté une protestation concernant son évincement énigmatique auprès du chef du Gouvernement de l’époque, qui l’avait répercutée sur la société de gestion GEPHAC. Selon une première expertise sollicitée par la justice, les décisions prises ont lourdement hypothéqué l’équilibre financier des filiales, parce que des enveloppes importantes en devises fortes ont été englouties sans dégager des revenus suffisants. Le préjudice subi occasionné à ENPC, donc au Trésor public, est estimé à plus de 70 milliards de centimes uniquement pour les deux filiales et les pertes engendrées par cet investissement au niveau du groupe, représentées par les déficits cumulés depuis l’entrée en vigueur de l’investissement à fin 2005, s’élèvent à plus de 400 milliards de centimes. L’expertise comptable sollicitée pour une demande d’assistance, inscrite sous la référence 06/559/2 BR en date du 7 juillet 2006, par le commandement de la Gendarmerie nationale, avec la réquisition du procureur de la République de Sétif pour étudier la conformité réglementaire des projets de réhabilitation, déterminer les infractions à la loi et en cas de non-respect des lois et règlements régissant la passation des marchés de déterminer le manque à gagner occasionné au Trésor public et situer les responsabilités, a démontré un manque à gagner de 1 111 858 euros, soit 125 759 514, 74 DA. Notons à la fin que les prévenus encourent de lourdes peines allant de 5 à 10 ans de prison.


I. Sellami, Le Soir d’Algérie

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