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Algérie : Khalifa arrêté à Londres
samedi 7 avril 2007, par
Abdelmoumene Khalifa, l’ex-P-DG d’El Khalifa Bank, condamné par contumace à la réclusion à perpétuité, le 22 mars dernier, par le tribunal criminel près la cour de Blida, a été arrêté le 27 mars 2007 en Grande-Bretagne dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen délivré par la France. C’est ce qu’a déclaré, hier, une porte-parole de Scotland Yard à l’Agence France presse (AFP). Selon cette source, cette arrestation est intervenue dans le cadre d’un « mandat d’arrêt européen délivré par les autorités françaises » pour « blanchiment d’argent, abus de confiance et banqueroute frauduleuse ». « Rafik Khalifa devait être présenté devant la justice britannique à cette date », a-t-elle ajouté sans préciser l’issue de cette audience. Il avait été interrogé deux fois par la police britannique, le 27 février et le 20 mars, sur des soupçons de blanchiment d’argent, mais il a été laissé en liberté provisoire sous caution jusqu’au 22 mai prochain, date à laquelle il sera de nouveau interrogé par l’unité économique de Scotand Yard.
Il est à rappeler qu’une information judiciaire pour « banqueroute, abus de biens sociaux et blanchiment », visant certaines sociétés de Rafik Abdelmoumene Khalifa a été ouverte fin 2003 par la justice française. D’ailleurs, c’est dans ce pays que l’affaire Khalifa a été déclenchée. Le député vert Noël Mamère, maire de Bègles, a été le premier à dénoncer l’investissement de l’ex-golden boy algérien en France, le 27 septembre 2002, en refusant d’assister, « pour des raisons politiques », à un match de l’équipe de rugby de Bègles, dont Khalifa venait de devenir un des sponsors. Il a demandé une enquête parlementaire sur le groupe.
Selon une note confidentielle de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) française, rédigée depuis que le groupe cherchait à s’implanter dans l’Hexagone, « les financements et passe-droits dont profite Khalifa pour asseoir sa stratégie de croissance, alors même que les avis répétés d’experts du transport aérien lui prédisent une faillite prochaine, laissent perplexes. [...]. Le maintien en vie et même la bonne santé apparente du groupe ne peuvent donc s’expliquer que par un soutien financier extérieur et/ou par des activités autres que celles officiellement mentionnées. [...] ». Des indiscrétions sur cette note interne vont enflammer la presse parisienne qui ne manquera pas de publier des articles mettant en cause « l’ascension fulgurante et l’origine de la fortune » de celui qui régnait sur le premier groupe privé d’Algérie. La justice française s’est penchée sur le dossier Khalifa près de sept mois après le lancement par Interpol d’un mandat d’arrêt international durant l’année 2003. Les tribunaux de Nanterre, Paris et Bobigny ont été saisis pour des enquêtes visant notamment l’ex-compagnie Khalifa Airways, la société de location de voitures du groupe (Rent Car) et l’ancienne chaîne de télévision Khalifa TV. Plusieurs infractions ont été retenues en France contre Abdelmoumene Khalifa, en plus des impayés se chiffrant à plusieurs millions d’euros. L’ouverture de cette enquête en France a permis notamment de faire la lumière sur un transfert d’El Khalifa Bank, de 1,26 million d’euros, en juin 2002, via la Sao Paolo. L’ex-patron du groupe est également soupçonné de détournement d’actifs de plusieurs filiales en France. Les enquêteurs français s’étaient penchés sur les raisons ayant poussé Abdelmoumene Khalifa à vendre à perte l’ensemble de son immobilier de Cannes. Et alors qu’en Algérie, le ministre de la Justice annonçait l’ouverture officielle du dossier Khalifa, la justice française, représentée en la personne d’Isabelle Prevost-Despres, juge d’instruction, décidait de mettre en examen Chachoua Amine, successeur de Abdelmoumene Khalifa à la tête du groupe en France. Ce dernier a été accusé d’abus de biens sociaux et de banqueroute. Il a été mis sous contrôle judiciaire. Mme Khalifa a également été mise en examen pour recel d’abus de biens sociaux. Deux autres personnes ont subi le même sort. Il s’agit de l’homme d’affaires et ami de Abdelmoumene, en l’occurrence Dominique Aute-Leroy, et le notaire qui a finalisé l’opération de revente de la villa du patron de Khalifa, sise à Cannes. Cette dernière a été revendue pour un montant de 16 millions de dollars alors qu’elle a été achetée pour la bagatelle de 30 millions de dollars. Les noms de célébrités du cinéma sont également revenus très souvent dans l’affaire Khalifa à l’exemple de Catherine Deneuve et Gérard Depardieu, gracieusement payés pour venir assister au match de football ayant opposé l’Olympique de Marseille à l’équipe nationale ou encore de Sting et de Pamela Anderson qui auraient perçu des chèques de 100 000 euros pour animer la soirée du lancement de Khalifa TV. L’enquête menée par la justice française a révélé des détournements d’actifs ayant caractérisé la gestion de la société de location de voitures. De nombreux véhicules de luxe ont été loués, dans des conditions contraires aux intérêts de la société, à des personnalités comme Gérard Depardieu. Pour le blanchiment d’argent, les enquêteurs français ont décelé plusieurs transferts de fonds, via des banques de Sao Paulo, Dubaï, Washington, entre autres, à partir d’El Khalifa Bank, à Alger.
Dans son enquête, la juge Isabelle Prévost-Despres a lancé des commissions rogatoires internationales pour demander la collaboration de la justice algérienne. Une collaboration ardue a eu lieu entre les juges des deux pays. L’Algérie, qui réclame l’extradition de Abdelmoumene Khalifa, devra peut-être attendre qu’il le soit vers la France. Car, il est clair que, malgré l’échange, le 25 février dernier, des instruments de ratification d’un accord d’extradition entre les deux pays, la coopération judiciaire reste limitée entre la Grande-Bretagne et l’Algérie. La coopération communautaire entre les deux pays de l’Union européenne, à savoir la France et l’Angleterre, plus accrue, est prioritaire. Il est donc probable que les Britanniques répondent favorablement à la demande des Français.
Réfugié à Londres depuis 2003, Rafik Khalifa affirme y bénéficier de l’« asile politique ». Pourtant, « le Royaume-Uni n’est pas un refuge pour criminels et nous nous tenons prêts à aider toute demande d’extradition dans le cadre prévu par la loi », a déclaré une porte-parole du Home Office, juste après l’affirmation du ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, qu’« il ne peut y avoir une coopération sérieuse entre l’Algérie et la Grande-Bretagne dans d’autres domaines, si on ne peut pas résoudre un cas qui relève du droit commun, comme l’affaire de l’extradition de Khalifa ».
H. Y.
La Tribune
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