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mardi 5 octobre 2010, , article écrit par Ammar KOROGHLI et publié par La rédaction


Au sortir de la longue nuit coloniale, tel est l’espace qui a servi d’univers à toute une flopée de familles qui espéraient exister. Survivre fut le credo quotidien de ces familles. Bien des querelles ont jonché cette promiscuité. Souvent pour des broutilles. C’était une manière de penser son existence. De panser cette blessure sociale vécue d’emblée dès l’indépendance. Occupés à vaquer à leur profession, les hommes échappaient à ces rixes anodines mais riches de quelques vocables dont enfants nous aurions souhaité nous passer.

En face de notre hara, quelques familles avaient pu prendre possession de maisons. Des biens vacants comme elles furent désignées officiellement. Plus tard, j’appris que nombre d’entre elles étaient des familles de chahids, martyrs de l’indépendance. Et perpendiculairement à notre ruelle, un quartier tout en villas les unes contiguës aux autres. Elles étaient occupées précédemment par des gaouris qui devaient être fonctionnaires, enseignants… La classe moyenne sans doute qui, les fins de semaine d’été, ouvraient toutes grandes les fenêtres d’où s’échappaient musique et rires. Joie de vivre dont nous étions sevrés. Bannis. Handicapant que cette situation dont gamins nous ne comprenions ni les tenants ni les aboutissants. Et pour cause, nous guettions attristés nos géniteurs patentés tous les soirs au retour de leur travail harassant. Nous espérions la clé qui nous ouvrirait les joies de l’enfance, la nôtre étant maudite. Quasiment, aucun de nos parents n’échappait un tant soit peu à la dure condition de forçats des chantiers ; beaucoup de familles végétaient ainsi.

Parmi les nouveaux occupants de ces villas, certains étaient pour l’époque de hauts gradés de notre glorieuse armée de libération nationale. Des colonelialistes comme certains les désignaient par référence au plus haut grade de l’armée de l’époque. Tant il est vrai que certains prirent place de nos anciens maîtres pour se mouler dans leur nouvel habit qui se révéla trop spacieux pour leurs petites manies à s’exhiber avec leur progéniture. A nos yeux, nouveaux coupables de nos malheurs. Il est vrai cependant que la colonisation est une page sombre dans l’histoire mondiale. Singulièrement celle de l’Europe. Comment pratiquer l’amnésie ? Comment la mémoire collective algérienne pourrait-elle effacer cette page ? Comme on a coutume de le dire : l’amnistie n’est pas l’amnésie. Le devoir de mémoire subsiste dans les consciences de générations entières nées avant comme après l’indépendance. Si le président Mitterrand a pu estimer que l’Etat français et la République française ne sont pas responsables de Vichy et n’avait pas à faire d’excuses, son successeur, le président Chirac, l’a fait. Mais ni ce dernier, ni ses successeurs n’ont voulu présenter aux Algériens la moindre excuse au nom de la France officielle. Encore moins une juste réparation. Ce que les Canadiens et Australiens officiels ont fait.

Il est en effet loin le temps où la France découvrait l’or dans les caves de la casbah d’Alger où était entassé un butin estimé, nous dit-on, à plus de cinq cent millions de francs de l’époque, l’équivalent sans doute de quelques quatre milliards d’euros. D’aucuns pensent que le trésor de la Régence d’Alger devait servir à Charles X pour corrompre le corps électoral. Déjà Alger était à l’origine de bouleversements politiques en France. Semblerait-il, ce trésor a profité à des militaires, des banquiers et des industriels, les Seillière et les Schneider, outre à Louis Philippe. Mais l’or d’Alger servit également au développement de la sidérurgie française. Quels résultats et quels produits pour nous indigènes ?...

(A suivre)


Ammar KOROGHLI

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