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PARIS (28)

vendredi 30 septembre 2011, , article écrit par Ammar Koroghli et publié par La rédaction


Ameyar qui fut immigré et étudiant en France ne manqua pas de m’affranchir en me dispensant magistralement un véritable cours sur l’immigration, d’un point de vue double, historique et politique.
Au commencement fut la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y a eu la relance de l’économie d’Europe occidentale et japonaise avec le plan Marshall ; il y avait alors un besoin certain en main-d’œuvre en Europe. Hélas, cette situation idéale ne tarda pas à s’estomper pour céder la place à une recrudescence des crimes, agressions et attentats. L’Algérie prit alors officiellement le parti de suspendre l’émigration pour protester contre la multiplication de ces « incidents ». Décision officielle vaine, on s’en doute, compte tenu du phénomène des « clandestins » en Europe et des harraga d’Afrique.
Pour certains européens manipulés par des idéologies à caractère racial, il fallait alors « casser » du bougnoule » venu manger le pain de l’indigène métropolitain ! Officiellement, le mot d’ordre fut à la répression d’Etat : haro sur les « clandestins », notamment par un renforcement du contrôle des entrées en France, cette préoccupation continua jusqu’au traité de Maastricht. Inutile d’insister outre mesure sur les renvois massifs par l’aide au retour, Zemmouri en a fait un film : « Prends 10 000 balles et casse toi ». Inutile non plus d’évoquer les « bavures » gouvernementales : des jeunes issus de l’immigration débarquent au pays d’origine de leurs parents dont ils ne connaissent souvent que peu de choses…
Arrive le 10 mai 1981, date importante dans l’histoire française s’il en fut. Parmi les 110 propositions du candidat Mitterrand figuraient la lutte contre les discriminations, l’égalité des droits des travailleurs immigrés avec droit de vote aux municipales et d’association, le renforcement de la lutte contre les trafics clandestins de la main-d’œuvre. Il est vrai que, suite à l’élection de celui-ci à l’Elysée, l’action la plus spectaculaire à l’égard des immigrés fut l’opération de régularisation de nombre de « clandestins ». Tout en proposant une « réinsertion » volontaire au pays d’origine, l’Etat français décréta l’égalité des droits dans le domaine associatif et syndical ; c’est ainsi que sont nées des radio libres dont radio soleil, radio arabe, radio beur, radio Maghreb, radio Orient… On ne peut toutefois s’empêcher de constater que les reconduites à la frontière ne cessèrent pas pour autant ; le regroupement familial subit une baisse sensible et le droit d’asile quant à lui se rétrécit comme une peau de chagrin. Le droit de vote a été renvoyé aux calendes grecques. Face à la recrudescence des discriminations raciales et des crimes impunis, souvent qualifiées, par une perversité du langage de « bavures », des jeunes issus de l’immigration organisèrent une marche pour l’égalité…
La droite au gouvernement ne fit pas mieux. Son maître mot ? La maîtrise des flux migratoires et pour les étrangers en situation régulière l’ « intégration » ou « l’aide au retour ». Déjà, en situation de cohabitation avec la gauche, elle évoquait l’identité de la France. La pratique est connue via les tristement célèbres lois sur l’entrée et le séjour des étrangers ; l’autorité administrative s’est renforcée au détriment du pouvoir judiciaire D’évidence, « les clandestins » n’ont plus pour d’autre destin que d’être refoulé manu militari. Les candidats au mariage avec les ressortissants français font de plus en plus l’objet de contrôle pour éviter les mariages dits de « complaisance ». Le regroupement familial n’a pas également été assoupli puisqu’il faut toujours un « logement adapté » et des « ressources stables et suffisantes ». S’agissant de la nationalité, le jus soli (droit du sol) permettait l’automaticité de l’acquisition de la nationalité du fait de la naissance sur le sol du territoire français ; il a été réformé en sorte que cette automaticité n’existe plus. Les contraintes sont depuis lors et jusqu’à ce jour visibles quant aux reconduites à la frontière et les expulsions, les contrôles d’identité s’étant depuis multipliés, l’interpellation de personnes en situation irrégulière donnant parfois naissance à des drames, il y a eu mort d’homme ; le droit d’asile continue d’être le parent pauvre du droit des étrangers ; quant au vote des étrangers…
(à suivre)


Ammar Koroghli

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