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ALGER (6)

jeudi 31 mars 2011, par La rédaction

Cité universitaire de Kouba. Quatre à cinq petits immeubles de trois à quatre étages. De petites piaules. Je fus logé avec un étudiant en médecine, discret et bosseur. Il admirait mes dessins et peintures à la gouache. A vrai dire, peu d’activités culturelles. Une sorte de poulailler. Nous y logions pour y dormir le soir. Le week end, nous préférions descendre à Alger pour nous défouler d’une semaine de train-train. Ile sans alentour rassurant. Tout en haut, l’Ecole normale supérieure (ENS) qui regroupait, outre des chambres, un restaurant universitaire où on nous servait des steaks savates (ça y ressemblait tellement qu’il était difficile de les trancher). Le soir, on se gargarisait de soupe pour se remplir la panse. Histoire de chasser la faim. Certains étudiants, n’ayant pas les moyens pour s’acheter des tickets pour manger, quémandaient littéralement le bol vide de l’un de nous pour s’approvisionner deux ou trois fois de suite pour se rassasier. A la cafétéria, immense par la superficie, mais empli par le vide culturel à même de permettre une détente dont étudiants nous avions légitimement besoin.

Arès un bref séjour à Ben Aknoun (certains snobs disaient alors Ben Ak). Les cours magistraux étant dispensés à Kouba à partir de huit heures trente du matin, nous devions nous préparer à partir de six heures pour pouvoir nous y rendre par bus. Quelle galère que le transport commun à Alger ! Surtout en hiver. Attendre durant parfois près d’une heure pour que pointe à l’horizon un bus qu’il fallait prendre littéralement d’assaut pour être sûr de pouvoir monter et faire partie des heureux élus au voyage. C’était tous les jours l’odyssée. Inutile de dire qu’en fin de journée, nous étions éreintés. Et sans Pénélope. Outre que la nourriture universitaire laissait à désirer. Les salles de travaux dirigés avaient alors lieu dans des baraquements qui donnaient la désagréable impression d’être dans un bidonville. Bien entendu, certains s’en accommodaient fort bien. Nous, étudiants venant de l’intérieur du pays, avions trop misé sur un changement de nos mornes existences de provinciaux pour nous en contenter. Quelle ne fut notre désillusion ! Voilà pourquoi certains d’entre nous ont préféré troquer leurs chambres de Ben Aknoun, quartier plus prisé, pour une piaule de Kouba. On disait alors le Vieux Kouba. C’est dire si nous étions logés à bonne enseigne. Mais comme dit un proverbe de chez nous que peut faire le mort entre les mains de son laveur !

Avec le recul du temps, je me dis que cette politique était voulue pour nous abrutir de fatigue. Le week end nous servant pour récupérer un tant soit peu nos énergies, nous ne pouvions ainsi nous concentrer sérieusement ni sur nos études, ni encore moins nous réunir en vue d’une quelconque action pour manifester notre colère quant à nos conditions d’existence pour le moins insuffisantes. A part un ou deux cours qui se sont révélés pertinents, telle l’histoire des idées politiques, le reste fut vraiment un gâchis de notre temps. Je résolus ainsi d’y remédier en pensant à changer et de discipline et d’université. Etudes littéraires à Constantine par exemple. J’y ais songé. Ce qui aurait eu au moins pour vertu de me rapprocher de ma famille. Parce que nous manquions cruellement d’orientation, nous nous sommes tous concertés dans les rues et cafés de Sétif pour monter à l’assaut de l’IEP d’Alger. Mal nous en prit. A ce jour, il n’existe aucune forme de décentralisation de certains enseignements pour permettre aux étudiants des villes de provinces de suivre des études similaires à ceux de la capitale. Décidément Alger tourne toujours le dos au reste du pays. Elle demeure le lieu privilégié pour toutes activités culturelles d’importance nationale, outre qu’y ont été établies toutes sortes d’institutions dont la bibliothèque nationale.

(A suivre)


Ammar Koroghli