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ALGER (16)

vendredi 17 juin 2011, , article écrit par Amar Koroghli et publié par La rédaction


L’héroïsme serait nécessaire et utile au peuple… Je me rappelle avoir vu « L’opium et le bâton » de Rachedi où le docteur Lazrak, campé par feu Mustapha Kateb, arrive à rejoindre les rangs des maquisards, après maintes péripéties et difficultés…

De même, dans « La nuit a peur du soleil » de Badie, le contremaître Youssef déclenche seul la grève contre les propriétaires de la palmeraie… C’est une simple vision de l’esprit, une pure hypothèse. Peut être même une lubie du réalisateur. Un fantasme ? Ces films sur la terre reflètent l’idée que la lutte pour l’indépendance politique était le préalable à l’indépendance économique… Bien entendu, cette thématique est devenue désormais vétuste. La quotidienneté devint, au fur et à mesure, la cible des caméras. C’est là, me semble t-il, l’effet de politisation des cinéastes. Il est vrai qu’à une certaine période, l’approfondissement du débat politique et idéologique a constitué la toile de fond dans laquelle les cinéastes algériens ne manquèrent pas de puiser leurs thèmes. Les protagonistes des films servent de porte-paroles à nos cinéastes à telle enseigne que chaque héros d’un film considéré devient, en quelque sorte, le représentant d’une « force sociale » comme on disait alors ; le paysan, le pêcheur et le nomade deviennent les symboles de la paysannerie, des pêcheurs et des nomades.

De cette façon, le discours artistique ne se subordonne t-il pas au discours politique ?

Hélas oui. Et le cinéma algérien qui s’est libéré d’une thématique étriquée n’a pas pour autant résolu ses problèmes. Hormis « Chronique des années de braise » de Hamina qui a eu la palme d’or à Cannes, il y a de cela plus de trente années et devenu une sorte de fétiche, notre cinéma a quasiment végété. Et même les salles de cinéma ont été peu à peu fermées…au grand dam du public. Tu le sais bien, les seules quatre salles de cinéma existant à Sétif ont été purement et simplement fermées et remplacées par des centres commerciaux ! La culture du ventre se révèle plus forte que celle de l’esprit.

Et, pour tout dire, notre cinéma s’est contenté, dans beaucoup de cas, de produire des films d’autosatisfaction avec une approche narrative. Certains cinéastes algériens ont saisi l’importance de rompre avec une pareille approche ; ainsi, Bouamari a pu déclarer qu’ « il faut dépasser le folklore guerrier, l’héroïsme, l’autosatisfaction ». Et Mostafa Lacheraf a pu indiquer que « le nationalisme doit nécessairement disparaître après avoir accompli sa mission si l’on veut aboutir à une forme nouvelle de société ».

N’est ce pas là le signe de l’absence d’une politique culturelle ?

C’est une situation due principalement aux conditions de tournage et au manque de budgets ; de la diffusion en Algérie d’un cinéma sans aucun lien avec les réalités de ce pays, force est de constater la difficulté de mettre en place une nouvelle thématique avec de nouvelles formes d’expression cinématographique.

Pourtant, le cinéma algérien semblait sortir des sentiers battus pour envisager sérieusement les préoccupations nouvelles de la société algérienne…

Les canons officiels l’empêchent de sortir des ornières ; certains cinéastes s’étaient fait les thuriféraires du discours politique, engendré par la nécessité de la consolidation de la classe politique au pouvoir depuis l’indépendance. Et, effectivement, il me semble que le plus grave demeure l’absence d’une politique culturelle des pouvoirs publics pour prendre en charge les préoccupations des artistes.

Aussi préoccupant que la situation réservée à la femme. Et pas seulement au cinéma…

(A suivre)


Amar Koroghli

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