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ALGER (24)

vendredi 22 juillet 2011, , article écrit par Ammar Koroghli et publié par La rédaction


Octobre. Déjà octobre. Le mois d’octobre approchait. Je ne me sentais plus le courage d’oublier les gamins qui, par leur chahut, ont permis à mon pays de sortir des ornières de la férule de la gérontocratie. Fussent-ils manipulés. Une récréation qui dura quelques jours. Du pouvoir par d’illégitimes héros qui, chemin faisant, continuent de propulser leurs enfants au faîte des institutions aménagées selon leur bon vouloir.

En ce mois d’octobre, je traînais avec moi mes années de douleur. Frustrations et refoulements, entrelacs complexe. Enchevêtrement annonciateur d’orages impromptus. Ma vie devint une chronique faisant fi de la linéarité. Que de chagrins amoncelés. Gâchis considérable de mes ressources. Réduit à un état d’aliénation par la quotidienneté où l’amertume le disputait à la révolte. Faut-il continuer longtemps à assumer sa condition de sujet, sans rechigner ?

En ce monde où règne encore au grand jour la barbarie, sanguinaires sont les princes qui nous gouvernent. Princes en quête de légitimité. J’ai beau regretter ma venue en ce monde où pourris et corrupteurs font bon ménage. Rien n’y fait, j’y suis. Tu disais vrai Abou Ala (« Ce qu’a commis mon père envers moi, je ne l’ai commis envers personne »). La force de l’oubli peut-elle ménager la conscience déjà meurtrie ? L’indignation n’est plus de mise. Idées manichéennes réduisant à néant tout effort de création. Louable est notre résistance à l’oppression organisée par nos bourreaux. Nos plumes pourront-elles un jour nous servir de glaives pour les saigner à mort ? L’infini est grand. Comme le cynisme de nos princes. Donnée variable, sa géométrie cosmique se mesure (le cynisme j’entends).
Lancinante douleur donc que la mienne. Compression de la pensée qui nage dans le liquide d’Abou Nouas. Géniale idée que celle-là. Hommage suprême au poète. Identité bafouée. Histoire emportant tout sur son passage. Point d’écluses, ni de digues. Maître incontesté de la rime. Poésie revêche au credo social. Arme au service de la tribu menacée de déperdition ?

Au commencement était le verbe. Depuis, la tribu devint moderne. Elle fut élevée au rang de nation. Continuation pourtant de l’éloge des princes et des seigneurs. A défaut, la sentence est terrible : le silence ou l’exil. Marche forcée vers les ténèbres avec pour seule lumière le poème. Bougie aux vertus incommensurables. Mais aussi mèche prête à l’explosion.

Octobre en plein jour. Adolescents aux aguets. Décimés à la fleur de l’âge de leurs printemps pour avoir eu la mémoire fertile. Plus fertile que celles de leurs aînés. Châtiés pour leur témérité. Procès expéditifs. Erreur millénaire d’un despotisme qu’on dit oriental. Nos princes sont malades. Assurément. Pour avoir voulu fêter Novembre avant le mois correspondant. Pour avoir voulu rappeler l’exigence de l’indépendance… « Sept ans, ça suffit »… . Un seul héros, le peuple »… Tahia el Jazaïr »… Que de connivences depuis. Manœuvres dilatoires tissées dans l’ombre. Incrédulité des badauds. Les balles pleuvaient sous le soleil. Crépitements sourds aux revendications.

(A suivre)


Ammar Koroghli

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