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PARIS (1)

dimanche 31 juillet 2011, , article écrit par Ammar Koroghli et publié par La rédaction


Dans l’avion qui m’amenait en terre d’exil, je fis la connaissance d’un compatriote bien au fait de la vie parisienne. Il m’en entretint tant et si bien que je finis par ne plus craindre l’exil qui devint un doux euphémisme. Il me déposa au quartier latin, Près du boulevard Saint Michel. Proche de l’hôtel Saint Séverin où je passai quelques jours. L’un de mes compatriotes m’ayant généreusement hébergé ensuite, le temps de trouver une piaule en banlieue en Val de Marne. J’y suis resté quelques semaines avec une dame à la retraite qui, pour avoir un revenu complémentaire, louait une chambre. J’appris plus tard qu’elle avait plusieurs enfants dont certains lui rendaient visite de temps à autre. Particulièrement lors des fêtes. J’eus à les connaître, un jour de fête. Je me souviens particulièrement d’un soir où, de retour de l’université, je trouvai ma logeuse pleurant. Elle m’expliqua que, lors de la venue de ses enfants, ils discutèrent en sa présence du sort futur de son pavillon qui leur reviendra en héritage. Elle mit, m’affranchit-elle, toute une vie de labeur intense avec son défunt époux pour y arriver.
Je me levais tôt chaque jour. C’était l’hiver. On ne parlait pas encore du réchauffement climatique. Il faisait un froid à ne pas mettre le nez dehors. Et pourtant, il le fallait. Vers six heures du matin. Je prenais invariablement du thé. Et je sortais pour prendre le RER vers Paris. Il me fallait bien un quart d’heure pour arriver à la station, surtout par temps de neige. A huit heures, je devais aux portes d’un centre proche de la Tour Eiffel où on affichait dans le hall des annonces pour des travaux ponctuels. Souvent réservés à des étudiants. Chaque jour, c’était la débandade. Après avoir noté quelques annonces, il fallait courir à l’assaut des cabines téléphoniques toutes proches pour prendre contact avec nos employeurs pour quelques jours, voire quelques heures parfois. Pour avoir quelques dizaines de francs et les convertir presto illico en tickets des restaurants universitaires pour nous assurer la pitance quotidienne et l’abonnement à la carte orange. Je fis ainsi toutes sortes d’emplois. Tantôt distribuer des tracts publicitaires à la sortie des bouches de métro, tantôt partir en banlieue à plusieurs pour vendre des cartes postales d’associations caritatives à des habitants d’immeubles où certaines âmes charitables n’hésitèrent pas à m’en acheter plusieurs pour m’aider dans cette tâche. Je fis ainsi la connaissance de l’un des immigrés maghrébins qui jouait au balayeur dans le métro. Il sortit fort en colère, me menaçant de son balai. Je distribuais les tracts publicitaires que certains jetaient à même le sol, occasionnant à Ammi Ahmed un travail supplémentaire. Nous finîmes par sympathiser et rire de notre misère : l’un balaie ce que l’autre distribue… Mektoub, nous sommes-nous dit.

(à suivre)


Ammar Koroghli

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