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PARIS (10)

lundi 22 août 2011, , article écrit par Ammar Koroghli et publié par La rédaction


Encore un Aïd el adha sans famille et sans ambiance chère à l’enfance ; combien d’immigrés exilés depuis de nombreuses années se retrouvent de nouveau seuls dans des foyers aux chambres exiguës et aux murs froids et combien d’autres doivent se sentir encore plus isolés de leurs pays d’origine ? Loin des réveils matinaux aux couleurs du pays. Enfants et adultes émerveillés qui trouvent là l’occasion de se réunir ensemble entre parents, voisins et amis. Musiques qui résonnent de chaque maison telle une invite à la fête qui se prépare, après le sacrifice rituel du mouton et la prière collective à la mosquée.          
 
​L’exil, c’est aussi surtout ce que nos parents ont enduré leur vie durant. C’est ainsi qu’après bien des pérégrinations dans les banlieues de la région parisienne, mon père devint maçon à Sétif. Sa ville natale. Il mourut en laissant ma mère seule, analphabète et sans qualification avec ses quatre enfants dont j’étais l’aîné. Il faut dire qu’elle trima comme pas deux pour nous élever. C’est d’elle que je tenais une force indescriptible. Une rageuse envie de me battre.
​Elle symbolisait pour moi le sacrifice. Elle était mon refuge. Il existait entre nous une intense complicité. Pour ne pas désespérer, nous nous donnions mutuellement courage. La volonté d’aller plus loin… Pourtant, je suivis le chemin parcouru par mon père pour me retrouver à mon tour à l’école de l’exil. Pour vivre dans la froideur de l’éternel hiver capable d’ankyloser toute mémoire. La banlieue se révéla un second exil. Un exil dans l’exil. Ma mémoire remonte souvent à la surface des souvenirs oubliés çà et là…
 
 
​Devant un sandwich et un café, j’ouvris mon journal à la page des faits divers. J’aimais beaucoup. Elle nous était réservée. Lorsque l’un de nous exhibait trop son faciès et ne dissimulait pas assez sa couleur, il se trouvait toujours quelqu’un pou lui loger une balle dans le corps. Je portai ma tasse de café à mes lèvres lorsque mes yeux furent attirés par un petit article. Une jeune Maghrébine, Mlle Yasmina B., a accouché il y a quelques semaines sous une fausse identité. Elle a utilisé les papiers d’une amie française afin de bénéficier des avantages sociaux et échapper à l’expulsion du territoire français. Elle a reconnu devant les policiers avoir accouché d’un garçon, placé depuis à la D.D.A.S.S.
​Bonté divine. Voilà qui allait jeter de l’huile sur le feu et rallumer les rancoeurs. Pourquoi donc ces jeunes qui désertaient leur pays s’égaraient ils dans les dédales d’une société qui, à chaque crise, laissait paraître sa xénophobie ? A dire vrai, une vénéneuse culture. Surtout que ces derniers temps, les contrôles d’identité avaient augmenté et que nous étions considérés comme des terroristes en puissance. Plusieurs milliers de personnes à surveiller et à punir. Comme d’habitude, devant la recrudescence des « bavures », les consulats maghrébins envoyaient pour la forme une lettre de protestation aux autorités…
 
​(à suivre)


Ammar Koroghli

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