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PARIS (17)

vendredi 9 septembre 2011, , article écrit par Amar Koroghli et publié par La rédaction


Cher ami,

Tu me demandes de te parler du bled. La situation se résumé à un mot : fiasco. Oui, vois-tu et sans exagération aucune, fiasco généralisé.

Sacré veinard que tus es, tu passes par des hauts et des bas. Ici, il n’y a que des bas.

A mon sens, le plus grave demeure le fiasco concernant l’homme qui aurait dû être forgé selon l’adage chinois : donnes-lui un poisson, il se nourrira une fois ; apprends-lui à pêcher il se nourrira toute sa vie. Il n’a pas été mûri pour affronter et féconder le présent et l’avenir. Bien au contraire, ils en ont fait un abruti d’œsophage greffé d’un sexe.
En aucune manière, je ne voudrais te dissuader de rentrer. Saches, pour ta gouverne, que tu t’en mordrais vachement les doigts. Car ce qui t’attends ici au mieux, c’est une vie végétative. Proportionnelle à ton intellectualité. Plus cette dernière est importante, plus on trouve la vie rigoureusement réduite à sa plus simple expression. Quasi exclusivement biologique.

Pour m’en tenir à ton exemple, que pourrais-tu escompter ? Que peux-tu espérer dès lors même que les conditions garantissant par excellence l’existence d’une culture dynamique sont inexistantes ? Ce, en dépit des multiples subterfuges et déclarations du système en place.

Ajoutes à cela les innombrables tracasseries aliénantes, inhérentes aux contingences de la vie quotidienne. Elles réduisent l’être humain à un degré quasi-animal, en l’amenant à se comporter bestialement pour avoir une livre de beurre, une boîte de lait ou de tomate. Ce qui constitue le minimum vital vu les pénuries endémiques et du fait qu’il ne peut prétendre à la viande. Ensemble de conditions qui constituent l’un des moyens de domination de la classe des « militaro-affairo-opportuno-jouisseurs » sur la grande majorité abrutie par de nombreuses années de matraquage systématique.

Quant à moi, je t’avais parlé d’une « incursion » dans le commerce que j’avais tentée, mais les règles du jeu sont telles que si l’on est du mauvais côté de la barrière, on est littéralement broyé. Et il est vain de s’entêter si l’on ne dispose pas de gros moyens : capital de relations ou capital tout court.

Bref, le cœur n’y est pas. Et tu n’es pas sans savoir que pour un être tout en sensibilité, quand le cœur n’y est plus, c’est le néant.
Amicalement ».

(à suivre)


Amar Koroghli

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