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Nous étions lycéens (Partie 9)

jeudi 10 octobre 2013, , article écrit par Toufik Gasmi et publié par La rédaction


Par ailleurs, nous prenions beaucoup de précaution quant à la manipulation des livres : nous sommes prévoyants. L’année prochaine, ce sera notre tour d’être vendeur pour la première fois.

Sur le prolongement des deux librairies, des livres et des classiques étaient étalés à même le sol et classés par année d’enseignement et par matière.
Ainsi, on y voyait des jeunes et moins jeunes, des listes à la main s’affairer autour de ce marché aux livres.

Quelle ambiance ! Les marchands d’un jour étaient fatalement des élèves –externes pour la plupart- chacun y trouvait son compte, même les malins ou opportunistes, c’est selon, qui, profitant de cette aubaine, vendaient des illustrés (Bleck le Rock, Micky le Ranger, Buck John, Kit Karson …) .Certains faisaient de la vente concomitante. Oui, déjà on savait cela. Au fait qui n’en a pas acheté ? Aujourd’hui, on aimerait bien en avoir un entre les mains.

C’était l’effervescence dans cette mythique rue .Même les élèves des écoles primaires (l’école laïque et l’école indigène) avoisinantes, marquaient leur présence .On se croirait au quartier latin. On y vendait le savoir dans tout son état. Nous étions heureux tout simplement.
Hélas, comme la Potinière, les articles made in China ont pris le dessus sur la culture, même dans cette rue.
Un peu plus haut, prés de la porte des externes du lycée, la librairie Artebas, spécialisée dans les fournitures scolaires grouillait de monde. Une ambiance bon enfant régnait sur ce parcours. Les listes à la main, chacun s’empressait d’avoir son butin. Il ne fallait surtout pas oublier les rouleaux de papier en couleur destinés à couvrir les livres et le carton à dessin.

Nous allons entrer au lycée, dans ce sanctuaire du savoir.
Imaginez un instant, des dizaines de garçons, âgés à peine de 12 ans n’ayant jamais quitté leur patelin qui se retrouvent là ,la valise ou le sac entre les jambes, désorientés, dans une ville aux grandes artères, avec des trottoirs, de superbes magasins bien achalandés , des terrasses de café où les gens attablés dégustent des boissons multiples , des filles bien habillées, quelquefois en mini jupes qui flânent . Eux, qui n’ont connu que l’environnement, le leur, c’est-à-dire austère, sont là, stoïques et médusés.

Les garçons sont perdus : ils se réfugient dans leur court passé, les quelques souvenirs de leur village défilent devant leurs yeux. Ils revoient les parties interminables de football sur le terrain vague, les jeux de toupie avec leurs camarades, les parties de chasse des oiseaux avec les lance- pierres ou la glu étalée sur des brindilles au bord d’un cours d’eau, la baignade dans l’oued, le suivi de la moissonneuse batteuse dans les champs pour attraper les cailles ou ramasser les œufs et… fatalement les larmes coulent d’elles mêmes. Combien d’élèves ont pleuré à l’idée de quitter leur foyer familial sécurisant.
Le parloir du lycée avec ses grandes fresques de peinture sur les murs, quelques heures plutôt ‘’envahi’ par les parents, laissa place à de futurs élèves tristes et solitaires.
Bien plus, nombre d’élèves ne pouvaient contenir cette séparation parentale et pleurèrent même en classe ;
C’était émouvant, nous l’avouons.
« Je me souviens d’une scène qui restera dans ma mémoire pour toujours , celle d’une jeune et jolie femme , professeur de sciences naturelles qui , à genoux, a pris les mains de deux élèves de sa classe de 6ème pendant la récréation, pour les consoler et les encourager d’une voix douce ; elle les avait surpris pendant le premier cours, essuyant furtivement quelques larmes. Seuls le réconfort et l’encouragement étaient salutaires pour le devenir de ces gamins. Quel sens de la psychologie avait fait preuve cette éducatrice ! »
Maintenant le lycée et ses vicissitudes nous attendent.
La première épreuve est en relation avec notre envie de manger et déjà le réfectoire nous attend.

A SUIVRE


Toufik Gasmi

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