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Nous étions lycéens (Partie 10)

lundi 14 octobre 2013, , article écrit par Toufik Gasmi et publié par La rédaction


AU REFECTOIRE

Douze et dix neuf étaient les plus belles, les plus attendues, les plus savoureuses heures de la journée, celles qui permettaient à prés de huit cents élèves de se rendre dans ce’’ restaurant’’ aux multiples étoiles,

Cette grande salle attenante au gymnase, dans laquelle plusieurs dizaines de tables étaient alignées et qu’on appelât réfectoire.

Huit chaises entouraient chaque table rectangulaire laquelle était devenue familière. Chacun reconnaissait la petite particularité qui la distinguait de l’autre.

C’était notre table, c’était notre chaise, c’était notre bien.
Le chef de table, car il fallait désigner un chef –et comme tous les chefs-, ils étaient tous égocentriques : tous se servaient les premiers, tous choisissaient bien évidemment les meilleures et grosses parts, laissant aux autres le loisir de disposer des autres morceaux.
Alors imaginons un scénario : un chef par table, soit plus de 100 chefs lesquels éliraient leur super chef ; que se passerait-il ? Vous avez surement la réponse. Pour notre part, tout simplement nous pensons que ce grand chef aura deux propriétés : la cuisine et les repas.
Notre ventre criait famine et l’envie d’avoir un morceau de pain dans la bouche nous tiraillait.

Nous attendions cette heure depuis l’aube et lorsque les repas n’étaient pas servis à temps, le tintamarre des fourchettes et couteaux sur les assiettes se faisait entendre au-delà des préaux jouxtant la cour nord sud, déjà occupés par quelques fidèles de la petite balle ronde.

Dans cet espace, seul le jeu avec la tête est permis et ce sont des parties acharnées qui étaient menées, malheureusement interrompues par la cloche annonçant le début des cours.

Les éclats de rire se mêlaient au bruit récurant des cuillères venant racler nos assiettes.

Ce bruit cessait subitement, soit à la vue des chariots que poussaient les serveurs, ce qui annonçait le début des ‘’hostilités ‘’avec la nourriture, soit lorsque l’on flairait une personne venue du lointain bureau de la surveillance générale, un autre personnage, lui aussi, toujours en costume et cravate ,mais o combien attachant : c’est M. Benallègue Mahiedine , une autre icône du lycée. Il nous a quittés et ses nombreux camarades le pleurent encore.

L’imagination d’un adolescent est fertile et on s’inventait des situations soumises à pari et c’est ainsi qu’une idée ‘’saugrenue ‘’sortit de la bouche d’un élève : « Et si on faisait le concours de celui qui mangera le plus de morceaux de pain ? »
Et pourquoi pas ? Nous étions joueurs ! Un certain Saad de Ain Roua a pris l’audace de défier les copains et il mangeât ou avala, c’est selon, 37 morceaux de pain en un temps record. ; Ses camarades de quart avaient tenté d’en faire autant, ils n’y parvinrent pas.

Saad est ainsi entré dans le Guinness Book sans qu’il le sache. Inutile de décrire la suite des évènements gastriques et intestinaux qui durèrent plusieurs jours. Il jura par la suite, comme le corbeau dans la fable de La Fontaine, que l’on ne le reprendra plus.
Il nous arrive aujourd’hui même, de le taquiner sur cet épisode, en lui présentant plusieurs croutons de pain sur sa table, histoire de le lui rappeler.

Nous nous retrouvons au milieu de centaines d’élèves dans cette immense salle que nous découvrons pour la première fois : des tables, des chaises et surtout des couteaux et des fourchettes. À quoi peuvent-ils servir, ces objets, disions-nous en notre fort intérieur ? Et comment allons nous nous y prendre, nous qui mangions avec nos frères et sœurs dans une même écuelle ? Nous qui buvions dans un même broc ? Voilà que nous nous retrouvons assis sur une chaise, une assiette, un verre duralex et des couverts pour chacun.

Nous, qui n’avions jamais eu entre les mains une fourchette et un couteau, voilà que nous sommes dans l’obligation de couper seuls le morceau de viande .Nous nous sentions comme hypnotisés, ne sachant comment nous y prendre de peur d’être la risée des camarades. Mais l’observation est la meilleure des armes dans ce cas précis ;

Cet apprentissage a duré quelques semaines .Nous savions que c’était un exercice fastidieux. Les maitres d’internat en faction nous aidaient à la manipulation de ces objets imposés, avec un rictus en coin. Dieu merci, nous n’étions pas les seuls dans ce cas.

Les évènements se suivent et nous faisons chaque jour une découverte de ce que notre petit patelin ne nous a pas permis de réaliser. Ainsi, par une journée automnale, à l’heure du déjeuner, avant d’entrer dans le réfectoire, déjà nous sommes attirés par une odeur inconnue mais agréable. La faim aidant, nous étions pressés de prendre place, mais surprise, sur nos assiettes quelque chose qui ressemble à des bestioles avec des petites pattes d’une couleur rosâtre ; et elles étaient nombreuses.

Les yeux écarquillés et les narines grandes ouvertes, nous étions surpris de voir pour la première fois de notre jeune vie, ces bestioles .Qu’est ce que cela pouvait être et qu’a – t- on fait pour nous donner des bestioles à manger ? C’est cela la modernité ? Aucun ne se hasarda à y toucher, même les plus téméraires .Un élève, qui devait avoir plus faim que les autres se précipita vers le réfectoire des ‘’grands ‘’ pour, furtivement voir comment on mangeait ces bestioles.

Gagné par la timidité, il ne pouvait entrer .Il préféra ainsi regarder à travers les vitres ; il surprit donc les grands en train de ses lécher les doigts après avoir mis la crevette, (vous l’avez deviné)- dans la bouche pour aspirer la sauce dans laquelle elle a été préparée. Tout heureux, il se précipita vers nous pour annoncer à qui veut l’entendre « elles se mangent toutes entières, je les ai vus, je vous le jure ». Il n’en fallait pas plus pour que tout ce monde décortiquât à sa manière le plat présenté aussitôt ; tout y passa. .Les bouches étaient en sang, les vêtements également.

Et de tous les plats que nous avons eus, le couscous reste le plat royal, celui qui, psychologiquement, nous rappelle la maison familiale. Par égard, nous ne faisons jamais de comparaison, mais au fond de nous même, nous avons notre préférence.
Après les repas qui se terminent généralement à 12h45, nous avions droit à un spectacle dans la cour Sud.

Sur le terrain bitumé, les maitres d’internat et quelques élèves privilégiés s’affrontent dans une partie de football à cinq, les bois et le ballon étant ceux du Hand Ball et là, ce sont des séances acharnées que se livrent les protagonistes sous les yeux de dizaines de spectateurs. Seule la cloche mettait fin aux débats.

A SUIVRE


Toufik Gasmi

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