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La danse des Rahaba et le sraoui en voie de disparition à Sétif

jeudi 6 avril 2006, , article écrit par Abdelhalim Benyelles, La Tribune et publié par Nabil Foudi


Parmi toutes les représentations artistiques traditionnelles de la région de Sétif, c’est le sraoui qui apparaît comme le genre le plus ancré dans les coutumes sociales marquées par la diversité. Ce chant, si l’on se réfère à sa traduction intégrale de l’arabe, qui tire ses origines particulièrement des hauteurs, est une tradition prisée dans les fêtes familiales, et dont les règles musicales reposent sur la puissance de la voix et la force du souffle de son interprète. Son inscription dans un contexte spatio-temporel lié aux événements sociaux place ce genre musical en haut lieu de la tradition perpétuée grâce à l’oralité et aux mouvements des populations.
A noter que Sétif tient sa richesse humaine du flux et des passages des populations qu’elle doit à sa position stratégique séculaire qui en a fait une plaque tournante entre le nord et le sud du pays. De ce fait, la ville sera toute désignée pour abriter le marché hebdomadaire pour la région et devient ainsi le point de convergence des populations de tous les horizons arrivant dans le sillage des marchands, pasteurs, nomades et agriculteurs, en haute saison agricole particulièrement, qui s’en viennent au marché pour vendre leurs produits.
Dans ce mouvement de populations, l’aspect culturel n’est pas en reste. Car ces souks sont autant de scènes pour les artistes populaires, les aèdes, les conteurs et les troubadours qui, contrairement à aujourd’hui, se déplacent vers leur public, les chalands dans le souk. C’est ainsi que contrairement aux villes comme Constantine, Tlemcen, Béjaïa ou Blida dont le cadre artistique et culturel est demeuré stable, à Sétif, c’est la fluctuation humaine qui a participé à l’enrichissement du patrimoine culturel. Ainsi, des populations entières venues de la frontière chaouie au sud des monts du Hodna et au nord des hauteurs du mont de Megrès, ont contribué largement à la confection du chant populaire. Outre cela, l’engouement populaire a favorisé l’émergence du sraoui qui fut vite intégré dans la danse populaire notamment celle exécutée en groupe chez les hommes ou encore dans un cercle exclusivement féminin à l’occasion des fêtes de mariage ou de circoncisions. C’est l’espace extra-muros de la ville coloniale de Sétif en fait qui a favorisé la promotion de la danse des Rahaba et de la danse de la femme, le zendali. Pour les hommes, la danse est exécutée en plein air. Les danseurs sont alignés en deux rangs qui se font face et avancent au même rythme en interprétant le même refrain du chant sraoui. Il s’agit là d’une danse qui tire ses origines du Chaoui puisqu’elle reproduit la même chorégraphie qu’on retrouve dans ces régions. La flûte et le bendir sont les instruments privilégiés du support musical. Pour les femmes, par contre, la danse diffère, car, en plus d’être exécutée dans un espace clos, elle est individuelle.
La danseuse se tient au milieu d’un groupe, à l’abri des regards des hommes. Cependant, là aussi c’est le sraoui qui anime la fête. Le chant est interprété généralement par des femmes invitées exclusivement aux cérémonies et dont la valeur consacrée est reconnue par l’ensemble. Mais aujourd’hui, ce genre a littéralement disparu à Sétif. La tradition est cependant encore perpétuée aux abords du mont Megrès par des générations fidèles au legs des ancêtres. Des témoignages rapportent que les faits et gestes séculaires sont reproduits grâce à la tradition orale encore vivace dans quelques familles rurales.
Cet état de fait nous montre que, désormais, la disparition de cette danse séculaire n’est plus qu’une question de temps, relativement court, si rien n’est fait pour la préserver et la perpétuer. Or, rien n’est fait. Au niveau des structures culturelles de jeunesse aucun effort n’a été entrepris pour la préservation de ce patrimoine qui, s’il était pris en charge de manière effective et professionnelle, pourrait représenter la ville et la région lors des grands rendez-vous culturels tant en Algérie qu’à l’étranger où il serait un trait de l’identité culturelle de l’Algérie.

A. B


Abdelhalim Benyelles, La Tribune

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