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Sétif, ville propre, un mythe

mardi 20 février 2007, , article écrit par Kamel Benaiche, El Watan et publié par La rédaction


L’incivisme de ses habitants encouragés par l’impunité, le laisser-aller de la collectivité en charge de la gestion et de la promotion du cadre de vie, qui ne s’offusque pas de la dégradation de la séculaire ville, sont en grande partie responsables de la décrépitude « masquée » par le bichonnage de la rue de Constantine ne pouvant être éternellement l’arbre qui cache la forêt. Blessés dans leur amour-propre, les nostalgiques de Sétif belle et propre ainsi que certaines compétences scientifiques pléthoriques du côté de Aïn El Fouara, crient des douleurs, n’étant hélas pas entendues. Il suffit de faire un tour du côté de Cheikh Laïfa (ex-Fermatou), Chouf Lekdad, Laârassa, Aïn Trick, la cité des Abattoirs (Kerouani), Yahiaoui (Tandja) et de la gare routière pour mesurer l’ampleur du désastre qui n’épargne même pas de nombreux endroits du centre-ville (parc d’attractions, Langar, Beau marché, 132 logements Bizard).

Le phénomène d’insalubrité et de dégradation du patrimoine (le bâti s’entend) prend des proportions alarmantes dans les quartiers et cités-dortoirs à forte densité. En l’absence de vision ou de stratégie de la ville, l’embellissement (peinture) des bâtiments se caractérise par un traitement superficiel du problème alors que les causes profondes du mal qui gangrène la cité sont occultées. La situation d’un abandon ne disant pas son nom ne date pas d’hier. Elle s’est accentuée durant l’actuel mandat communal caractérisé par des tiraillements qui se sont répercutés négativement sur une agglomération de plus de 400 000 âmes ne manquant, faut-il le rappeler, pas de moyens matériels, humains et financiers injectés par les pouvoirs publics qui ne lésinent pas.

Pour illustrer de tels propos, un détour du côté du faubourg de l’industrie situé à quelques encablures des sièges de l’APC et de la wilaya, on découvre la face cachée de la cité. En ces lieux où est implanté le souk Abacha (l’autre plaie de la ville), la dégradation de l’environnement a atteint son paroxysme. Les cris de détresse des riverains, notamment les habitants des 132 Logements qui subissent depuis des années la loi des marchands de l’informel, maîtres de l’espace, sont restés lettre morte. Dans ce dantesque paysage, les règles élémentaires de bienséance sont foulées. En fin de journée, le « souk » se transforme en une décharge publique polluant en silence le coeur de la capitale des Hauts Plateaux. La cité des Abattoirs, située non loin de là, n’est pas mieux lotie. Conçue initialement pour des logements promotionnels, la cité Kerouani s’est vite transformée en une grossisterie de l’alimentation générale.

Les routes de l’espace « massacrées » par les camions des grossistes ne font l’objet d’aucun intérêt. C’est dans un véritable bourbier que vivent les habitants. L’incorrection de certains commerçants, qui ne daignent prendre en charge leurs déchets, attise le cauchemar du quartier « gourbisé ». Implanté au coeur de la ville, le parc d’attractions s’étendant sur plus de 40 ha et propriété de la commune n’est pas beau à voir. A cause de l’immobilisme de la commune, l’espace, d’une incommensurable valeur historique sachant qu’il est le berceau de plusieurs civilisations, est non seulement en piteux état, mais il est le fief des désoeuvrés. Mitoyen avec l’hôtel El Hidab, le musée national, la maison de la culture, l’annexe de l’Ecole des beaux-arts et l’imposant building El Ali (l’autre appendice de la ville), le parc n’est qu’un champ de patates. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, la gare routière (une autre propriété de la commune), vitrine de la cité Carrefour qui accueille quotidiennement plus de 50 000 voyageurs, est, faute de bonne gestion, en piteux état.

L’entretien des routes éventrées, le ramassage des ordures ménagères, l’éclairage public, les premières vocations de la commune en abandon de poste, ne sont plus le fort de Sétif. Oued Bousselam, autrefois lieu de promenade et de loisirs, perd au fil du temps la densité et la diversité de sa flore. Il ne subsiste des frênes, des ormes et des peupliers blancs victimes d’abattages sauvages que quelques boqueteaux restreints aux berges du lit majeur.

Le Franco-Algérien Azouz Begag, ministre délégué à la Promotion des chances au sein du gouvernement de Villepin, n’a pas manqué, lors de la dernière visite à Sétif (1er avril 2006) coïncidant avec l’inauguration de la ligne aérienne Sétif-Lyon, de parler de oued Bousselam où il aimait barboter dans les années 1970. Ce point d’eau, situé entre le centre-ville et le deuxième pôle universitaire d’El Bez, est abandonné à un triste sort. Réputée ville saine (non polluée), propre, bien structurée et riche en espaces publics (rues, placettes, espaces verts) et en édifices de style classique, Sétif est dénaturée, défigurée même. La mémoire collective retiendra que des immeubles et des bâtisses ont été érigés tant sur des trottoirs, placettes, jardins qui audessus de canaux d’évacuation ou sur des sites archéologiques et historiques. Le silence et la complicité ont été justifiés en vertu d’un arsenal réglementaire, sans doute subrepticement contourné. Bref, l’antique Sitifis, ce gigantesque espace bâti de fonction régionale, n’est belle, propre et jolie que dans les professions de foi... C’est un mythe quoi.

Kamel Beniaïche


Kamel Benaiche, El Watan

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