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La criminalité coloniale : Des djebels constantinois et oranais au massif du hoggar, quelles voies d’actions contre l’impunité ?

jeudi 8 mai 2008, , article écrit par Zahia eM. Gonon, Sétif Info et publié par La rédaction


ous les colloques et études relatifs à la date emblématique du 8-mai-1945 pourraient être ainsi sous-titrés.

Quand on balaie le panoramique de la succession des faits ayant abouti aux Accords du 18 mars 1962, la continuité du duel résistance/répression surlignée de phases cycliques aiguës, n’a pas connu de répit, depuis 1830. Les théoriciens des armées et administrations d’occupation, qui n’étaient tout de même pas des débiles profonds, parlaient de guerre ininterrompue qui dura donc plus de cent ans.

Le 8-mai-1945, dont les sources sont nationales et internationales, sonne le glas ‘’des intérêts de la France sur ce territoire’’. Le 1er-novembre-1954 n’en étant que la suite logique, en fait il donne le la de l’agonie de l’Algérie française. D’ailleurs, cette appellation est tardive dans le vocabulaire coutumier colonial qui lui préférait colonie française.

Il semble opportun, aujourd’hui, d’explorer des axes de recherche dans le but principal de judiciariser des faits que des auteurs, politiques, universitaires ou romanciers s’entêtent à évoquer pudiquement sous les termes massacres ou évènements.

Auparavant, quelques traits rapides vont utilement rappeler la vocation militariste et hégémoniste de la doctrine coloniale, post et pré 8-mai-1945.

dans l’algérie sous occupation coloniale, il n’y eut jamais de pouvoir civil.

La République proclamée à la chute du 2nd Empire à Sedan, en septembre 1870, va affecter, par une loi de juillet 1873, un corps d’armée commun à l’Algérie et la Tunisie. Ce sera le 19e qui sévira jusqu’à la débâcle de l’armée sur la Meuse, en juin 1940. D’ailleurs, sur ce front se trouvaient de nombreux gradés qui tenteront de prendre une revanche en Indochine d’abord, puis en Algérie.

La IIIe République, installée en 1875, va dépêcher des corps expéditionnaires sur plusieurs continents au nom de la mission civilisatrice et de sa fallacieuse devise qui vous a été rappelée récemment : le Ier Empire avait tenté de franciser l’Europe, elle, va franciser l’Algérie.

En août 1898, un décret investit le gouverneur général des attributions militaires : il lui donne autorité sur les commandants en chef du 19e corps et de la marine. En temps de paix, comme en temps de guerre, il est le seul responsable des mesures pour la défense et la sécurité de la colonie.

Suivirent les lois de 1906, 1922, puis de 1934 qui lui adjuge le commandement aérien ‘’couvrant l’Afrique du Nord, concernant la participation des forces aériennes aux opérations de police, de sécurité intérieure, de pacification et de pénétration saharienne entreprise sur le territoire de l’Algérie’’. (Décret JO. 18 avril 1934).

Côté justice, l’armée exerce un contrôle sur les tribunaux indigènes et les conseils de guerre constituent le régime pénal, autrement dit, ils sont les ancêtres des TPFA. Les cours criminelles séparées restent en vigueur jusqu’en 1940, et sont justifiées par ‘’les nécessités de l’occupation et la sécurité de l’occupant’’.

A remarquer que les festivités du Centenaire avaient un peu présumé de la qualité française de l’Algérie ; mais aussi, une décennie plus tard, ironie de l’Histoire ou justice immanente, la République à soldats va expirer dans les bras d’un maréchal vaincu. Le Président du Conseil P. Reynaud, en larmes sur les ondes, rassurait alors ses compatriotes fuyant devant l’avancée des troupes allemandes en leur précisant que ‘’les Allemands ne sont tout de même pas des Sarazins’’.

Alger va devenir le théâtre de furieux et troubles enjeux : le 19e Corps d’armée va collaborer avec Vichy, cependant création du Comité français pour la libération nationale.

Puis se succédèrent quelques assassinats surprenants (Giraud, J. Moulin, J. Zay, G. Mendel), ce qui laissera place nette à de Gaulle, à la tête du gouvernement provisoire de la république française, en juin 1944, après qu’il ait marqué un point de plus en exécutant P. Pucheu, ministre de l’Intérieur de Pétain, pourtant rallié à Alger. D’autres collaborateurs notoires auront plus de chance, comme R. Léonard, par exemple, futur gouverneur général, qui n’a quitté l’administration de Vichy qu’en juin 1944.

Il semble évident que la sanglante et massive répression dans le Constantinois a été planifiée à cette date : Y. Chataigneau a été rappelé de Kaboul, le poste avancé pour l’observation de l’URSS, pour être nommé gouverneur général, avant le départ pour Paris du gouvernement provisoire, en septembre 1944. E. Naegelen qui prit sa suite, en 1948, écrit avoir trouvé sur son bureau des instructions de son prédécesseur concernant les exécutions sommaires.

De Gaulle, méprisé lors des entrevues des Conférence de l’Atlantique et de Téhéran entre Roosevelt et Staline, tente de prouver que la France, humiliée par sa défaite éclair dans un conflit régulier, peut se prévaloir d’une position prépondérante en Méditerranée : il va pouvoir se pousser du col sur un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Le statut de l’Algérie de 1947, en créant la fameuse Assemblée algérienne pour prendre la place des délégations financières, va être en réalité l’habillage civil de la 10e Région militaire.

A son état-major vont se retrouver tous ceux qui ont signé l’ordre de bataille du 8 mai 1945. Un secrétariat permanent de la défense nationale est crée pour assister le gouverneur général. Le cabinet civil n’a plus qu’une compétence résiduelle sur des dossiers auxquels le cabinet militaire ne trouve pas d’intérêt. On verra par exemple dans les dossiers de recours en grâce des condamnés à mort que c’est le cabinet militaire qui rend la décision. Les autres avis sont de pure forme.

Un maillage plus serré par la mise en place de divisions et subdivisions va parcourir l’étendue du territoire, embryons destinés à coiffer le théâtre d’opérations en Afrique française du nord si un conflit venait à éclater en Europe, venant de l’Est. La France se préparait à s’installer dans la guerre contre l’URSS… et les Algériens.

Les Algériens, le deuil amorti, commencent le tissage des réseaux de la clandestinité, avec l’innovation de la guerre subversive qui revisite les classiques de la guérilla ancestrale.

Un décret de 1953 réorganise la justice militaire en multipliant les sièges des TPFA. Les barreaux d’Alger, d’Oran, de Constantine voient l’arrivée de la génération d’avocats algériens qui constitueront les collectifs de défense.

Entre 1947 et 1954 la vie va s’écouler d’un trait pour la population. Les braises couvaient sous la cendre, les regards étaient lourds, brûlants, tout se communiquait d’un simple clin d’oeil. Les voyages vers des destinations extérieures se multipliaient : vers la métropole, les autres pays du Maghreb et du Machrek. Les enfants, dans leurs jeux se chuchotaient entre eux : ‘’nous allons sortir les vainqueurs’’ (nissara). Les orphelins qui avaient dix ans en 1945, approchaient la vingtaine.

A Guelma, la nouvelle de Dien Bien Phû s’est répandue comme une traînée de poudre dans les cours intérieures des maisons, le matin du 8 mai 1954.

Les exécutifs successifs de la IVe République, après le 8-mai-1945, croyaient-ils vraiment à un iota de chance du maintien de l’Algérie sous occupation ?

Les pièces et documents établis par les états-majors, accessibles aujourd’hui, administrent la preuve irréfragable que les Algériens n’ont cessé de lutter pour la libération de leur patrie.

Le 8-mai-1945 n’est pas un épiphénomène isolé au bout d’un siècle d’occupation.

Il s’inscrit dans la pratique coutumière de la pression par l’effusion de sang pour obtenir une rémission des mouvements de revendications : ‘’nous visions l’Algérie à sa jeunesse pour couper les chances au conflit de redémarrer dans les dix ans’’. (Pierre Nora)

Son retentissement et son ampleur tiennent à sa date et au contexte international. Auparavant, le corps expéditionnaire avait perpétré de tels faits, de façon récurrente, au niveau d’un ou d’un groupe de douars, qui n’avaient pas connu une telle résonance, les moyens de communications étant autres.

Le gouvernement provisoire, avec de Gaulle et des ministres communistes, annonçait sans équivoque l’option choisie face à toute tentative de revendications.

La IVe, née sur ce carnage, va voter tout un chapelet de lois d’exception accordant toute licence à l’armée qui va investir la gestion du civil, de l’administratif, faire la police, rendre la justice, ce qui revient à l’abrogation de fait du principe de la séparation des pouvoirs, hérité de la Révolution de 1789 : le ministre Debré proclamera ‘’la collaboration des pouvoirs’’.

Le 13 mai 1958, à Alger, elle subira le dernier outrage sous les assauts d’un quarteron de généraux qui n’étaient pas encore à la retraite : pour garder l’Algérie sous occupation militaire, la seule solution consisterait à placer également les organes institutionnels de métropole sous tutelle militaire. Et de Gaulle avait été rappelé à cette fin, peut-être en souvenir de son palmarès constantinois. La suite est connue.

Si les faits du 8-mai ont été l’objet d’innombrables études et exégèses, la question reste posée sur leur qualification : curieusement les auteurs se limitent à l’appellation massacres.

Notre action doit avoir pour premier objectif la correction de cette étiquette qui dissimule à l’évidence le souci de minimiser les faits, voire de les dénaturer.

Au lendemain de la défaite allemande, en août 1945, les alliés ont édicté le statut du tribunal militaire international de Nuremberg, annexé à l’Accord de Londres, pour connaître des crimes commis pendant la guerre par les vaincus.

La Cour de cassation française va l’inclure dans l’ordre juridique interne et s’y référer pour juger les crimes commis dans la France sous occupation, en visant son article 6 qui définit la notion de plan concerté.

Elle vise également la Convention des Nations Unies de 1948, pour la prévention et la répression du génocide, qui, en son article 2, le définit.

Elle va élaborer une jurisprudence dans une cinquantaine d’arrêts, rendus de 1948 à 1998 environ, sur des faits qui se sont déroulés sous le régime de Vichy, soit pendant 4 ans et donc antérieurement au 8-mai-1945.

L’Assemblée nationale française adoptera le nouveau code pénal, en vigueur depuis 1993, qui inclut cette construction jurisprudentielle et qualifie le génocide et les autres crimes contre l’humanité.

De l’examen de quelques arrêts, ils ressort que la Chambre criminelle qualifie de crime les actes perpétrés au nom d’une ‘’politique d’hégémonie idéologique’’, y compris lorsqu’ils sont commis ‘’contre les adversaires de cette politique, quelle que soit la forme de leur opposition’’. Elle consacre donc le droit de combattre le système ou l’Etat qui pratique une telle politique.

Question subséquente : la doctrine coloniale, imposée et maintenue en Algérie à l’aide de faits et d’actes notoires et surabondants et pour des mobiles évidents jusqu’à 1962, remplissait-elle les critères retenus par les magistrats pour qualifier ‘’la politique d’hégémonie idéologique’’.

Ceux qui s’en tiennent aux euphémismes massacres ou évènements devraient nous dire quel serait, selon eux, le critère manquant aux éléments constitutifs des crimes de génocide et contre l’humanité dans le cas d’espèce 8-mai-1945. A moins que ce critère manquant ne soit induit par la qualité ou plutôt le défaut rédhibitoire des victimes d’être seulement indigènes, et circonstances aggravantes, de race arabe et de religion musulmane. Défaut qui les dépossèderait de toute qualité à agir, voire de l’exercice de leur droit à la mémoire.

Pour clore cette incursion juridique, signalons que le Statut de Rome de juillet 1998, créant la CPI (Cour pénale internationale) a adopté le principe de non rétroactivité. Normal. Elle est une créature des 5 membres permanents du Conseil dit de sécurité, au 4/5ème Euro-Atlantique. La France ne l’a ratifiée qu’en s’assurant qu’elle ne pourrait avoir d’effet rétroactif.

En réalité, il aurait été plus judicieux et utile de créer un organe pour juger les crimes d’agression à l’actif justement du P5 omnipotent, club nucléaire, actionnaire du FMI et de la Banque mondiale, etc. …

Quant aux Tribunaux ad hoc des Nations Unies, ils ne semblent avoir de compétence que pour juger des Africains.

Personnellement, j’ai débattu à maintes occasions du 8-mai et ai entendu, entre autres, que ce n’était pas un génocide, puisque ‘’c’était seulement pour faire peur aux Algériens’’. Et, également que l’extermination n’était pas le but poursuivi par la France. Peut-être, certains devraient-ils penser à présenter des excuses d’en avoir réchappé.

Par les organes de presse et la voix de la Fondation, acte est pris des récentes déclarations de la diplomatie française et dans l’ensemble, il se dégage une espèce d’appel a minima.

En 2005, année de la fameuse loi sur le rôle positif de la colonisation, quelques parlementaires se sont dits surpris par l’allocution prononcée à l’occasion de la commémoration du 8-mai par le Président de la République Abdelaziz Bouteflika.

Lors des péripéties ayant escorté la visite d’Etat, plusieurs journalistes ou hommes politiques sont revenus sur l’allocution de Son Excellence Mohamed Chérif Abbas prononcée à Guelma, pour la commémoration du 8-Mai, en 2006.

En France, les commémorations des faits qui se sont déroulés sous occupation pendant quatre années sont quotidiennes. Curieusement, l’exercice du droit à la mémoire des Algériens est interprété comme une déclaration d’hostilité.

Les timides avances diplomatiques devraient être assorties de gestes convaincants.

L’invitation est aussi valable pour les responsables des partis amis de l’Algérie. Aucun d’eux n’a joint de geste à ses paroles, alors que leurs dirigeants avaient été acteurs et responsables.

Attraire le sujet sur le registre affectif édulcoré est inapproprié. Comme chacun sait, les Français sont des cartésiens. Cela donne l’impression de réentendre quelques notes du thème favori de l’ancien gouverneur M. Violette qui se disait assuré de ‘’l’amour des non citoyens pour la mère patrie’’, lors du débat sur l’amnistie de 1946.

L’Algérie devrait donc s’astreindre à faire une partie du chemin, dans un geste de conciliation. Devrait-elle admettre comme torts que des bataillons de jeunes, à peine sortis de l’adolescence, se soient résolus à offrir leur vie pour arracher la libération de leur patrie ?

Seule une confrontation d’opinions pluralistes et d’arguments réellement contradictoires, qui n’a jamais eu lieu à ce jour en France, peut concourir à la manifestation de la vérité et mettre un terme salutaire à l’orthodoxie de la vision unilatérale et aux discours pro domo.

On reste frappé par les réminiscences chez les réputés spécialistes, pléthoriques, des postulats énoncés jadis par les 5èmes Bureaux qui étaient chargés de gagner la guerre par l’action psychologique.

L’organe institutionnel qui devrait être interpellé, en priorité, est le Parlement. Il n’a passé qu’un demi aveu, dans sa loi de 1999, en reprenant ses faux alibis sur la négation de l’état de guerre en Algérie. La France s’affranchissait ainsi du respect des Conventions de Genève de 1949, pourtant ratifiées par elle.

De ce fait, les djounoud pris aux combats ou blessés étaient privés du traitement réservé aux prisonniers de guerre et la population se voyait exclue du bénéfice de la protection des civils prescrite par la 4e Convention.

Il faut savoir que le GPRA répétait que l’Algérie s’y conformerait par réciprocité et surtout que le professeur de la faculté de Droit de Paris, Roger Pinto, exhortait chaque exécutif qui accédait au gouvernement à les appliquer, en rappelant que le respect de ces Conventions n’induit nullement la mutation de la qualité des parties belligérantes, puisque la France s’acharnait à dénier la qualité d’Etat à l’Algérie.

Les lois régissant la communication des archives sont de la fin des années 1970. Or, depuis l’an 2000, les versements des diverses administrations se multipliant, l’on assiste à une nette évolution de l’état d’esprit de quelques femmes et hommes politiques ou scientifiques favorables à une plus large accessibilité.

Une solution consisterait à saisir le parlement d’un projet de loi pour la levée de l’interdiction de communication qui frappe des côtes essentielles relatives à l’Algérie, par exemple les archives présidentielles.

La majorité actuelle, qui légifère activement, peut la faire voter en moins d’un semestre. Les parlementaires amis de l’Algérie inscrits à d’autres partis pourraient aussi acter dans ce sens.

Nous découvrirons, à coup sûr, les motifs réels de la nomination de Chataigneau à Alger et la concertation, plus que probable, du plan pour le Constantinois sur l’ initiative de de Gaulle, avant son départ pour la métropole.

Il faut interpeller le Parlement sur sa responsabilité en tant que maître d’oeuvre de la législation d’exception. Un millier de voix, des deux Chambres, censées être l’expression de la volonté populaire votaient et reconduisaient ces lois, au mépris de l’opinion de la majorité de leurs électeurs.

Ils débattaient, innombrables comptes rendus de séance à l’appui, véritables pièces à conviction, du sort à réserver aux Algériens comme des maquignons, à cette différence près que les maquignons n’ont jamais envoyé à l’abattoir que du bétail : des condamnations à mort furent prononcées pour de simples dégâts matériels qui d’ordinaire étaient sanctionnés de 2 mois de prison.

Il n’est pas inutile, non plus, de rappeler que pendant ce temps, plus d’un millier de cercueils de jeunes Français attendaient, en quasi-permanence, d’être retirés par leurs familles qui recevaient une somme dérisoire comme contribution aux frais des funérailles. L’administration de la vérité est également due au peuple français.

Enfin, le Conseil d’Etat dans sa séance du 5 avril 2002, statuant au contentieux, engage la ‘’responsabilité de l’Etat’’ dans ce qu’il qualifie de faute de service d’un fonctionnaire agissant sous l’administration de Vichy. Ce qui traduit un véritable revirement de jurisprudence.

Décision qui fut suivie par un jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 juin 2002, qui énonce : ‘’qu’en raison du principe de la continuité de l’Etat, la nature de son régime institutionnel et de ses fluctuations au cours de l’histoire ne saurait interrompre sa permanence ou sa pérennité ; que l’Etat républicain instauré par la Constitution du 4 octobre 1958 doit assumer la totalité de l’héritage de ses prédécesseurs’’.

Par analogie, les Algériens ne peuvent légitimement moins attendre qu’une reconnaissance par la 5ème République de sa propre responsabilité et de celle de la longue succession des régimes antérieurs.

Le 8-mai-1945 fut bel et bien annonciateur de ce que sera l’acte final 1954-1962.

La tentation illusoire d’écraser la résistance par la pression de l’effusion de sang a jalonné les huit années de combat, avec aggravation dans la phase négociations : les assassinats de masse d’août 1955 à octobre 1961, la frénésie des exécutions extrajudiciaires comme judiciaires.

Le général Challe, la face adipeuse, l’enjambée courte s’était donné pour mission d’assainir, de stériliser l’Oranie, ‘’de sortir les hommes de leur lit’’.

Puis du lance-flamme, à la généralisation du napalm sur le Djurdjura, les Aurès et l’Ouarsenis, jusqu’à la ‘’pollinisation’’ au plutonium des massifs du Tassili et du Hoggar.

Mais le 8-mai-1945 eut pour corollaire de structurer la personnalité, de forger la détermination de la génération qui va se mettre une obligation de résultat et combattre jusqu’à la libération : ‘’ Les rebelles acculés au combat font très souvent preuve d’un acharnement qui conduit à leur extermination.’’ (Note de service signée R. Salan).

Dans la décennie, il procréa, le légendaire groupe ‘’des 22’’ visités par le génie de la Révolution. Ils décrétèrent que les Algériens ne feront plus seulement ce qu’ils peuvent mais, désormais, feront ce qu’ils veulent. Le peuple algérien entame sa courageuse et douloureuse marche irrépressible pour sa libération.

En décembre 1957, lors de sa comparution devant le TPFA à Paris, Mohamed Ben Sadok, en dépit de son jeune âge, va subjuguer le prétoire, magistrats, journalistes et témoins compris en maîtrisant, de bout en bout, les débats.

Il avait tiré une seule balle de pistolet à travers la poche de sa veste sur Chekkal, vice-président de l’Assemblée algérienne, entouré de son service d’ordre, à la sortie d’un match de football. Il se laissa arrêter.

A la barre défilèrent tous les piliers de l’Algérie coloniale, venus encenser la victime, dont des anciens gouverneurs généraux, sur lesquels il posait un regard calme et distant.

Les débats, selon les comptes rendus de tous les quotidiens français, se seraient déroulés avec l’harmonie d’une partition musicale où parfois l’on percevait un échange d’un simple regard, entre l’accusé et son défenseur Me. P. Stibbe ; jusqu’au large sourire de ce dernier à la réponse affirmative aux circonstances atténuantes.

Aux questions du commissaire du gouvernement et du président du tribunal, Mohamed Ben Sadok, précisa sobrement, devant un auditoire de personnalités dont J. P. Sartre, que pour lui, tout a été arrêté en 1945, à Annaba où il est né. Il avait quatorze ans.

Paris, Bejaïa, Kherrata

Le 7/ 8 mai 2008

zahia eM. Gonon. arabelles@wanadoo.fr

Notes et sources :

L’ordre de bataille du 8 mai 1945 est répertorié au SHAT sous la cote 1 H 4533-1, non communicable. Le commandement était assuré par le général de corps d’armée Henry Martin, le général de brigade Pierre André, le général de division Charles Magrin-Verneray dit Monclar.

Code pénal français / Livre II - Titre Ier : des crimes contre l’humanité
Chap. Ier - Du génocide, art.. 211-1

Constitue un génocide le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial, religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l’encontre de membres de ce groupe, l’un des actes suivants :

atteinte volontaire à la vie ;
atteinte grave à l’intégrité physique ou psychique ;
soumission à des conditions d’existence de nature à entraîner la destruction totale pu partielle du groupe ;
mesures visant à entraver les naissances ;
transfert force d’enfants.
Chap. II – Des autres crimes contre l’humanité, art. 212-1

La déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d’actes inhumains, inspirées par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisées en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile sont punies…

La guerre psychologique, d’après l’abondante littérature du général P. Ely, devait enlever aux Algériens l’envie de résister et ‘’faire des femmes des agents de pacification’’. SHAT 1 H 2461 D 1 : Action sur les milieux féminins en Algérie, non communicable.

Loi n° 99 – 882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l’expression ‘’aux opérations effectuées en Afrique du Nord’’, de l’expression ‘’guerre d’Algérie’’.

Les débats parlementaires sont sur microfiches, d’accès et de reproduction libre et immédiat au siège du Jo. et à l’Espace Libraire Documentation Sénat..

Conseil d’Etat n° 238689 – Séance du 5 avril, contentieux, Papon
Tribunal administratif de Paris – Audience du 27 juin 2002, Fédération nationale des déportés et internés.

SHAT 1 H 1820 D 2 (communicable) :
- autorisation officielle de l’utilisation généralisée du napalm, dénommé ‘’bidons spéciaux’’. Mai 1957.

- Note technique pour le montage et le fonctionnement des lance-flammes. mars 1957

Note de service signée Salan, 19 mars 1958, 10e Région militaire, Etat-Major – 6e Bureau

Article procès Ben Sadok : TPFA Paris décembre 1957

Rafles à Paris, août 1958 : ‘’Dans le Vel’ d’Hiv’, près de 3.000 Algériens ont été contrôlés’’.

PS. Concernant la nouvelle loi sur les archives en instance au Parlement, attente des comptes rendus in extenso des débats.


Zahia eM. Gonon, Sétif Info

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