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Sétif : Suicide, harga et grosses interrogations

dimanche 20 juillet 2008, , article écrit par Zacharie S. Loutari, Le Quotidien d’Oran et publié par La rédaction


a mortalité à Sétif a baissé de 43% sauf le suicide qui n’a baissé que de 20%. 3 suicidés sur 4 sont des hommes plutôt jeunes en milieu urbain qui utilisent des méthodes très violentes comme la pendaison et l’intoxication par psychotropes.

Autant dire qu’il s’agit là d’un véritable problème de santé publique. Plus de 35% des jeunes Sétifiens entre 16 et 35 ans vivent chaque année une détresse émotionnelle si intense qu’ils songent à se faire du mal. Un sondage en milieu urbain (4 grandes agglomérations au niveau de la wilaya de Sétif) a fait ressortir que pour chaque jeune qui s’enlève la vie, 200 autres ont tenté de le faire. Contrairement à plusieurs pays voisins, l’Algérie ne possède pas de stratégie ou de politique nationale de prévention du suicide chez les jeunes pour orienter la lutte contre ce fléau.

Fait alarmant, seulement un jeune Sétifien sur cinquante ayant besoin de services de santé mentale réussit à en obtenir. Chez les jeunes hommes vivant en milieu urbain les risques de suicide sont particulièrement grands. En effet, deux études indépendantes ont conclu que les jeunes hommes vivant en milieu rural sont 50% moins susceptibles de mourir par suicide que ceux habitant des grandes agglomérations. De plus, les risques de suicide sont en général plus élevés chez les hommes que chez les femmes. Dans les collectivités rurales, plus les jeunes habitent loin de l’école, moins ils sont susceptibles de participer à des activités parascolaires et plus ils risquent de nourrir des pensées suicidaires. La participation à des activités parascolaires, surtout pour les jeunes hommes en milieu rural, semble prévenir les risques de suicide, mais uniquement si ces activités sont perçues comme plaisantes, stimulantes, valorisantes et importantes par ceux qui les pratiquent.

Chez les jeunes hommes en milieu rural, l’engagement dans une activité significative semble promouvoir l’estime de soi et, ainsi, réduire les risques de pensées et de comportements suicidaires. Pour les jeunes femmes en milieu rural, la participation à des activités permet de bâtir un réseau social positif, qui agit peut-être comme bouclier face aux sentiments dépressifs en plus de stimuler l’estime de soi, conditions associées à des risques de suicide plus faibles. Certaines données montrent que les jeunes enfants qui désirent renouer avec l’esprit de leur communauté se livrent alors aux activités qu’ils connaissent le mieux : l’abus d’alcool et de drogue et la violence. Le taux de chômage étant aussi élevé, des jeunes du milieu urbain sont très vulnérables et se tournent vers la vente de drogue et la criminalité pour survivre. Il est toutefois important de préciser que la pauvreté, le décrochage scolaire et l’itinérance sont reliés non seulement à la vie en milieu urbain mais aussi aux conditions de vie dans les communautés, situation qui les incite à recourir au phénomène de la harga. Pour le Dr Marie Eve Beauséjour, on ne peut cerner les problématiques importantes touchant les jeunes sans se pencher sur la dépression et le suicide (cas de la wilaya de Sétif). Dans son optique, il reste que bien que le taux réel de suicide soit sans doute plus élevé que ne l’indiquent les chiffres disponibles, il est à considérer que le taux de suicide chez les jeunes vivant en milieu urbain, dans tous les groupes d’âge, est environ trois fois plus élevé que dans la population vivant en zones rurales. Ce sont chez les adolescents et les jeunes adultes que les risques sont les plus élevés. Les cas de suicide chez les jeunes de 19 à 40 ans sont cinq à six fois plus nombreux que chez les ruraux du même âge.

« De plus, étant donné la situation de grande vulnérabilité d’une grande proportion des jeunes en ville, plusieurs se trouvent seuls et sans ressources. La consommation d’alcool ou de drogue, la pauvreté, l’itinérance, la violence, la criminalité et la discrimination constituent toutes les facteurs pouvant mener à un manque d’estime de soi et pousser un jeune à s’enlever la vie », argumentera le Dr qui a mené l’enquête. Et d’enchaîner : « En résumé, les difficultés auxquelles font face les jeunes vivant en milieu urbain sont nombreuses et tenaces, d’autant plus qu’elles sont étroitement liées les unes aux autres ».

Il semble donc qu’un des besoins les plus pressants en matière d’aide aux victimes repose sur la mise en place d’une intervention qui puisse prendre en compte les spécificités de la culture. De l’avis du Dr Marie Eve Beauséjour, la conclusion la plus frappante est la probabilité plus faible de pensées et de comportements suicidaires chez les jeunes qui disent prendre part à une activité collective importante à leurs yeux, comme un sport d’équipe, un groupe de musique, une troupe de théâtre, un club ou un groupe religieux. Dans ce genre de situations, les jeunes ne semblaient pas plus sujets à des pensées suicidaires.


Zacharie S. Loutari, Le Quotidien d’Oran

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