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PARIS (5)

mardi 9 août 2011, , article écrit par Amar Koroghli et publié par La rédaction


La revue El Badil fut un autre moment de ma vie. Je lui ai consacré une partie de ma vie. Le plus clair de mon temps. Parfois et même souvent au détriment de ma vie privée et familiale. Ce fut pourtant un autre moment d’apprentissage. Ce fut un autre moyen de communication, autrement plus substantielle car s’inscrivant résolument dans l’opposition à un système dominé par la pensée unique. Et par ce qu’il sera convenu d’appeler les « décideurs », le « cabinet noir », la « camarilla », la « mafia politico-financière »… L’Armée continua à être instrumentalisée nonobstant le départ fracassant de moult officiers du comité central du FLN, sacré parti unique et vilipendé par feu Mohamed Boudiaf dont il reçut pourtant la première carte d’adhésion. Ahmed Ben Bella que j’ai rencontré à deux reprises -une fois à Genève, une autre fois à Lausanne- me semblait avoir assimilé les erreurs du passé, celles qui aboutirent à constitutionnaliser le parti unique et à consacrer la personnalisation du pouvoir ayant in fine abouti au culte de la personnalité. Après moult péripéties, je résolus de rendre mon tablier de rédacteur en chef. Les mentalités de ceux qui furent alors parmi mes compagnons étaient trop marquées par un état d’esprit dont je subodorais qu’il devait aboutir à remplacer un parti unique par un autre parti unique, voire un système de pensée unique par un autre. Le jeu n’en valait pas la chandelle.

Je finis par me rendre à l’évidence : me défaire de mon tablier de rédacteur en chef. Capitaine de mon vaisseau, je ne cherchais qu’à le renflouer. Non à exacerber les difficultés pour le faire couler. Je mis seulement du temps à comprendre qu’il fallait mettre au défi mes détracteurs. Non pas gratuitement ou par un quelconque machiavélisme dont ils se régalaient d’ailleurs sans vergogne, mais par simple bon sens. Partir. Pourvu que l’œuvre demeure. Ce fut pour moi un dur apprentissage que le métier de la démocratie…

Chaque matin, je me présentais au siège de la revue. Un vieux local aménagé dans la région parisienne. Je prenais souvent le temps de méditer sur le déroulement de la journée devant une tasse de café. Une fois arrivé au bureau, j’épluchais les journaux du jour. Là où eurent lieu de sombres manœuvres et fourbi nombre de coups bas par Khalfoun, mon prédécesseur. Pour garder son poste. Et pour cause, il était payé trois fois plus que moi.
Par esprit de discipline et pour faire preuve d’abnégation et d’honnêteté, j’avait accepté d’exercer cette fonction. Mal m’en prit. Honnête, je ne pouvais concevoir le travail bâclé. J’eus une propension à faire appel à une certaine forme d’autorité atténuée toutefois par la participation de mes collaborateurs à la confection de notre canard. Les uns et les autres selon leurs capacités. A tous était dévolue une tâche précise. Position difficile que la mienne. Me faire aider par tout un chacun sans m’aliéner l’amitié de tous. Exercice périlleux. Il m’en coûta une expérience.

Dans mon bureau, je découpais mon temps en plusieurs parties, réservant le plus clair de celui-ci à la lecture et à la rédaction d’articles. Pour l’organisation quotidienne de mon travail, j’évitais la bureaucratisation. Nous étions des militants de l’information avant tout. Pas de démagogie non plus. Celle-là même qui était utilisée par certains membres du comité de rédaction, faisant office du même coup de direction.

(à suivre)


Amar Koroghli

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