SETIF.INFO

Accueil > Setif.info (1999-2021) > Reportages

Ain-Fouara : les affres du temps

samedi 22 octobre 2011, , article écrit par El yazid Dib et publié par La rédaction


A défaut de mer, certains citoyens se contentent d’un peu d’eau. A défaut de vacances d’autres se limitent à une simple évasion banale et locale. A chacun son sceau d’eau, de chacun son lot de complaintes.

Le temps des vacances dans ce temps n’était pas une échéance de colonie ou d’agence de voyage en Tunisie ou en Turquie. Encore moins la Omra n’en fut pas à la mode. La ville s’occupait de ses badauds autrement. Le 04 juin 1894, un conseiller municipal du nom de Bastide, évoqua amèrement son inquiétude face à la menace de tomber en ruine de « la fontaine de la place nationale ».

Le maire de Sétif et tout le collectif communal en séance de travail reconnaissent alors le besoin et l’utilité primordiale de faire le nécessaire. Tout en optant de s’inscrire dans une position d’attente de fonds afin de « la démolir et de la reconstruire complètement », M. Aubrey, maire de la ville prit cette délibération comme substrat d’un projet qui allait à jamais marquer la cité. Il partit durant l’été 1896 à Paris où devait se tenir prochainement un salon universel. Féru par son idée, il demanda au Directeur des Beaux-arts son intercession en vue d’avoir pour sa ville un décor urbain symbolique et chargé d’émotion ou « une statue pour décorer la future fontaine de la place nationale. » [Dans une lettre datée du 3 février 1898 le maire est tout heureux de lire une missive émanant du Directeur des beaux-arts lui annonçant : « (...) M. de Saint-Vidal pense avoir terminé son œuvre pour le prochain Salon où il désirerait qu’elle figurât ; elle serait dès la clôture du Salon expédiée à Sétif. » En ces temps là, il n’y avait pas encore de commission Bensalah et l’on suppose que la fonction du maire ne fut pas une simple affaire de charme citadin. Le charme certes peut envouter momentanément des électeurs mais jamais continuellement des citoyens.

(...)

2011. A force d’agression et d’insouciance, la dame aux deux amphores risque de perdre tout son corps après avoir perdu son trait nasal et quelques unes de ses mèches bouclées. La cadence actuelle de la décadence en marche ne prédit pas pour elle un bel avenir. Ses jours sont en règle d’être comptés. Loin d’un acte attentoire, elle souffre du fi des autorités locales. Des dizaines de visiteurs s’agglutinent chaque jour à même son corps blessé, comme une grappe humaine pour les besoins d’une photo. Cette image désolante n’est pas propre à la seule fontaine. Elle s’applique en généralité à tout le corps social. L’usure gagne tout le monde. Du politique à la pierre, au plomb et au zinc. Le sport, voire l’entente est directement confondue avec le monument. C’est un rituel ancestralement local que toutes les coupes remportées par le club soient remplies par l’eau d’Ain fouara, après avoir circambulé autour autant de fois.

Devant la décrépitude, le ruissèlement de partout, les fissures du socle, l’usure des goulots, les entailles de quelques parties de la statue, les obscénités inscrites, le griffonnage indélébile commis ; la municipalité est plus que responsable de la sauvegarde de ce monument historique. Une commission type Bensalah pour recevoir les propositions doit être mise sur pied au niveau de la cité. Elle doit faire quelque chose. Une solution rapide et énergétique doit être trouvée. Elle devra d’abord commencer par l’aménagement de ses alentours. Faire disparaitre l’hideux fer barreaudé qui l’’encercle avec une touche de renaissance verdoyante du terre-plein lui faisant partie prenante. Un lifting, une toilette de jouvence à cette fontaine ferait éterniser son initiateur d’entre wali ou maire. Ce dernier ne semble pas emporté outre mesure par cette ardeur culturelle qui le « dépasserait » tel qu’il l’aurait affirmé récemment dans un entretien à un confrère.

« Ain Fouara est une fusion de légende et de réalité. Une histoire d’amour entre une population et son histoire. Source de vie et de protection. L’on ne peut servir Sétif, sans l’aimer et sans s’y abreuver. Elle peut être synonyme de l’entente. Comme elle est le phare lumineux qui éclaire une certaine spiritualité citadine » ces propos émanent aussi d’un ancien wali ayant officié à Sétif. Et si l’actuel s’en inspire, et procède à sa réhabilitation ?

Enfin cette sensation n’est pas une exclusivité à l’antique Sitifis. Son schéma de désarroi reste extensible dans toute sa dimension à toutes les villes du pays. Chaque contrée à sa Ain-fouara. Sinon son conte et ses gémissements. Loin de toute tentation vacancière.


El yazid Dib

Dans la même rubrique