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Automobile : un moteur qui carbure à l’informel

mardi 22 janvier 2013, , article écrit par El yazid Dib, Sétif.Info et publié par La rédaction


Si c’est comme l’on se trouve dans un restaurant où seule la salle à manger semble fonctionner. Les cuisines, là où se concoctent les recettes de mets exotiques, se trouvent à des distances incroyables.

Qui ne connait pas maintenant comment fonctionnent les succursales des concessionnaires automobile ? Les espaces en show-rooms ne traduisent toujours pas la transparence qui caractérise les transactions qui s’y font. Loin des regards des futurs acquéreurs. Dans le souk d’à coté, à Sétif ou Tidjilibane l’on peut aisément trouver ce que l’on ne peut avoir dans de telles vitrines. La publicité n’est faite que pour les marques dérisoires et sans ancrage mécanique dans le vécu de l’Algérien. Quoique au vu de la férocité qui s’aggrave de jour en jour dans le quotidien, la place est à quiconque. Presque tous courent pour attirer les sous et encombrer davantage l’asphalte. Dans ces souks l’on vous signifie des cartes jaunes, des contrats en promesses de vente et des bons de commande aux livraisons imminentes.
Il est de principe économique tout à fait élémentaire qu’une production ne peut survivre sans stratégie de consommation. Ni une industrie sans distribution. L’Algérie, s’offre-t-elle, à cet effet comme plate forme industrielle ou un simple espace de satisfaction de besoins ?

Le créneau automobile semble le plus mis en évidence pour le schéma du dilemme produire/consommer. "On exportera partout dans le monde à partir du port de Tanger" c’est ce qu’avait déclaré à un journal le PDG de Renault Nissan, un certain 3 septembre 2007. Ce groupe avait misé sur le Maroc. Il comptait installer une "usine ultra moderne" près de Tanger. L’objectif étant de produire 200 milles voitures par an. Depuis ce temps et eu égard à des incertitudes, Nissan s’est retiré. Cette profession de foi, disons de vouloir exporter partout dans le monde, viserait plus précisément le marché algérien. Considérée comme une attraction commerciale inouïe, l’Algérie demeure, en fait un espace fructueux dans la consommation de produits finis. Elle ne saurait, pour certains, être vue telle une ouverture de champ de manœuvre important pour un quelconque investissement. Pourtant. Ce constat demeure amplement valable pour toutes les autres, marques, sous marques ou simples sigles célèbrement inconnus. Ce même constructeur après de longues années passées en tergiversations semble avoir fini par se décider à s’installer à Alger. Juste un vœu. L’avenir matériel dira la suite. Derrière l’Afrique du Sud, le marché domestique algérien est le second du continent a pour avoir absorbé plus de 400 000 nouvelles immatriculations en 2011. Renault avec 76 000 ventes, estime en être un leader, place qu’il prétend ne plus perdre. Il n’y a pas que cette marque qui s’intéresse tant à ce florissant marché. Les autres se limitent à étaler leurs produits de quincaillerie comme de la vaisselle bon marché. Personne ne soucie, outre mesure de la capacité de « résistance » et la compétence de « réception » de tout ce que débarquent quotidiennement les gros navires aux ports de Jijel et de Mostaganem. Même le taux de fréquentation de l’autoroute est/ouest est, par un degré dominant, capitalisé au profit de ces transporteurs de véhicules.

La circulation en milieu urbain relève d’un défi de patience quand la patience tend à perde tous ses repères. Le brouhaha, les vrombissements de moteurs puissants ou paradoxalement ceux à la limité de l’agonie en plus de l’embouteillage qui fait maintenant partie du décor naturel des voies rapides ou secondaires, sont acceptés involontairement comme un indice de progression sociale. La voiture n’est plus qualifiée d’objet de luxe. Elle est dit-on nécessaire un besoin vital, voire indispensable. Est-ce qu’une Touareg ou un Hamler est un besoin ? Une Marutu ou un Byd flayer dépasse la simple exigence de besoin. Elle devient un appât, une forte tentation. La politique commerciale qui se laisse s’instaurer chez les concessionnaires à la faveur évidemment de l’inertie des pouvoirs publics fait que la possession est facilitée au maximum. Elle est suscitée et provoquée. Avec ou sans apport personnel, développant ou non le goût pour ça, l’acquéreur soumis aux charmes d’entrée en jouissance aux plaisirs de la conduite, fait vite de désenchanter lorsqu’il s’apercevra que le surendettement meurtrier le guette. L’appât est tendu de diverses façons. La publicité nationale, dans les rues, dans les journaux fait ravage. Seule l’automobile fait, à voir les pages entières ; la survie du créneau publicitaire des quotidiens nationaux. Le mirage de faire une bonne affaire en s’octroyant des avantages de marketing, par des baisses substantielles, fait vite de désenchanter les nouveaux acquéreurs. L’on ne cesse de voir des milliers de véhicules, tous presque neufs, sinon du millésime en cours, accrochant un bandeau « à vendre » se déambulant dans nos artères à la recherche d’une aubaine de rétrocession, avec en bout, parfois une perte sèche, le plus souvent très conséquente. En plus, dans chaque coin de wilaya, à longueur d’année, des salons et des salons s’érigent et se dédient en grande pompes à l’automobile. Dans le temps le citoyen intéressé se conventionnait d’un crédit bancaire, le plus souvent contracté chez des banques étrangères venues pour ça ; et paraissant rentable, payable à mensualités, mais qui se consomme vite avec l’usure de la voiture qui ne verra une fois rétrocédée son prix que se grignoter âprement. Le compte à rebours de l’appauvrissement commence bien avec la descente aux enfers ; une fois l’envie et la tentation se seraient estompées. Avec la surpression des crédits, l’on assiste à un phénomène complexe. La multiplication des acquisitions. Voilà qu’un regain au retour au crédit de consommation pointe son nez.

Le président de la république avait clairement sermonné la politique qui se pratique au plan de la régulation économique dans son aspect investissement et privatisation. C’est vrai et tout à fait vrai. Quel est l’apport matériel dans la création physique de la richesse nationale qu’apportent les diverses marques automobiles qui ont été autorisées à pourrir l’espace routier ? Renault marque française historique et de renommée a jugé préférable l’installation de son usine au Maroc et prendre l’Algérie comme marché d’écoulement, en attendant sur la bande d’arrêt d’urgence des négociations qui n’aboutiraient peut être jamais. Du moins elles se poursuivent encore, toujours en cours. Durant ce temps le monsieur continue de concert avec les autres à profiter de l’aubaine du ménage algérien. Idem pour la quasi-totalité des autres. L’on a permis à toute fantaisie industrielle dans la construction de gadgets sous forme auto tractable, de venir les vendre à des prix de défi.

Ces marques à la phonétique baroque, tel que « chérie » « tata », « sata » « fitton », « byd » ou « day-day » etc… ont toutes ; pignon sur rue. Les abords de nos routes à grande circulation se sont subitement transformés en des aires d’entreposage pour tous les noms : « Haytali », « intic »… on n’a pas besoin de salles d’exposition, plus que l’on aurait besoin d’unités de production. Le paradoxe c’est que l’on continue à encourager l’émergence de ces espaces de vente. Des hectares de terre à haute valeur agricole sont entrain d’être bouffées ou simplement « dilapidées » comme l’aurait affirmé un architecte, pour permettre à ces « exposants » de vendre ce qui ne peut se vendre ailleurs. Car ailleurs le marché de l’automobile a chuté aux derniers statistiques de novembre de 13/. Cette baisse n’est plus atteinte depuis l’année 1997, selon les spécialistes en la matière. Les constructeurs français ont produit plus de 2 millions d’unités durant l’année en cours. Les méventes ont accentué la crise malgré l’apport étatique fourni sous l’aspect de prime à la casse. Au même moment, chez nous la demande est forte à tel point que les délais de livraison sont d’une longueur inouïe. 6 mois. Ce qui pousse la réflexion analytique à conclure que le hic est dans le circuit de distribution. Le pays ne tire en fait aucun profit en termes économiques. Pas d’emplois de crée. Pas ce plus value enregistrée. Pas, en somme de richesse engendrée. Ceci ressemble à un souk.
On ne voit pas ces marques de fabrique aux grands salons de l’automobile de Paris, de Madrid ou de New York ni dans les circuits de formule un ou sur les dunes des rallyes. Et alors donc ? L’autorité nationale chargée de la régulation commerciale aurait à remanier sa stratégie pour permettre, après négociations le choix de quelques labels mondiaux et leaders dans la profession, contre une présence industrielle et non de revente en l’état. Avez-vous vu ces marques circuler en Tunisie ou au Maroc ? Pour la marque française, rentrée dans nos mœurs à l’instar de Peugeot, il suffit de lui interdire conditionnellement le marché algérien. Qu’elle place, pour ce faire, chez nous au moins une unité de montage de bielles, de coussinets ou de vilebrequins ! La France, au contraire s’investit beaucoup plus dans l’installation de banques. Des guichets aptes à ne servir que des formules de prêts à la consommation. Pas de crédits d’investissement. Ainsi le monde de la finance française surplombe celui de l’économie nationale. On n’a pas besoin de banque, plus que l’on aurait besoin de l’argent de ces banques, dans l’élan de développement local.

Les pouvoirs publics avaient, fin 2008 avec réflexion pris la décision quant à l’obligation de limiter à 49% la part des investisseurs étrangers dans les créations de sociétés en Algérie. Cet acte économico-politique n’a pu, bien entendu, car prévisible, entraîner une symbiose de bienvenue. D’où plusieurs représentants en poste à Alger se sont déplorés pour ne pas se plaindre de "l’instabilité et de l’insécurité juridiques" dans le pays après ces modifications à l’architecture d’investissement. Mais là, oublient-ils que le monde n’est qu’une équation d’intérêts ? Que cet intérêt algérien, encore ne saurait être que national. Cette disposition consacrée légitimement par la loi de finances de 2009 persévère à constituer pour certains une couverture économique nationale, et pour les autres une entrave à la liberté d’entreprise.

Quant à l’activité de concessionnaire automobile, il ne suffit plus de dire, combien les affaires, chez eux vont bien. Nonobstant la crise mondiale qui fait baisser tant de rideaux à de grandes fabriques atlantiques, la demande est ici sans cesse croissante. L’on fait du piston chez certains groupes pour un enlèvement immédiat. Les délais de livraison, conformément au, décret exécutif n° 07-390 du 12 décembre 2007 fixant les conditions et les modalités d’exercice de l’activité de commercialisation de véhicules automobiles neufs. (Journal Officiel de la RADP n° 78 du 12 décembre 2007) fixés au maximum à 45 jours à dater de la commande, l’on n’accepte plus ces commandes, pour autant ; afin d’échapper au non respect de clauses du contrat. A savoir l’indisponibilité parfois, pour des marques données est prise pour mesure de rétention afin de renflouer le marché et tenter de créer une pseudo tension.

Le marché de l’automobile constitue une ouverture des plus juteuses dans le service. Alors qu’à l’origine il est par excellence défini comme faisant partie intégrante du monde de l’industrie. Toutes les marques se produisent ailleurs et s’écoulent ici. Si c’est comme l’on se trouve dans un restaurant où seule la salle à manger semble fonctionner pour accueillir nos pauvres estomacs, alors que les cuisines, là où se concoctent les recettes de mets exotiques, là où se font les approvisionnements en ingrédients nécessaires se trouvent à des distances incroyables. Le patriotisme économique doit se réaliser d’abord dans le monde des services. Il est aisé de produire chez nous nos engins de transport. Le pays est en position de force, avec la manne financière qui le caractérise ; de pouvoir en toute conviction, imposer sa loi de marché. Ce marché qui prend des allures dangereuses tant pour la gestion du portefeuille de devises, que pour l’insuffisance du réseau routier, mais surtout pour le devenir économique national.

Et si à chaque concession l’on viendrait à y greffer une obligation de produire au moins un certain taux, fait chez nous, dans le processus d’usinage ou de fabrication d’un véhicule que l’on aurait à mettre en circulation sur nos routes ? La solution est simple et faisable. Elle nécessite cependant une claire prise de décision à haut niveau. Arrêter au 31 juillet 2013 toutes les importations commerciales de véhicule touristiques. Des cris vont s’élever. Non pas des citoyens, mais d’autres auxquels une loi de finances complémentaire 2013 aurait à venir réguler un tant soit peu ce brouhaha qui sévit dans le circuit de l’automobile. Ce moratoire, permettra de penser et pondre un cahier de charges assorti d’une offre internationale pour l’installation de marques dans le pays. L’intégration de nouvelles technologies, en tendance dans certains pays puissants producteurs, allant vers la combustion à énergie nouvelle, les véhicules électrique, et hybrides et surtout algérianiser quelques pièces d’usinage et autres taches d’équipementier…. Penser lentement et placidement, c’est arriver sûrement. Votre famille vous attend !


El yazid Dib, Sétif.Info

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