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Le 19 ème vendredi de la contestation populaire à Sétif : vivacité, détermination et exaspération
samedi 29 juin 2019, par
En cet après-midi du 19ème vendredi, avec près de 35 degrés à l’ombre, la canicule est assommante et le soleil incendiaire vous brûle le corps. Pourtant, cela n’a pas dissuadé les citoyens à rejoindre les lieux habituels du « Hirak ». Ils sont entre 5 et 6000 manifestants à y affluer de tous les quartiers de Sétif et des communes de la wilaya éponyme malgré les difficultés de déplacement. La foule est composée comme d’habitude de jeunes et de moins jeunes, voire de personnes âgées, de femmes et de jeunes filles drapées du drapeau national, de modestes pères de famille accompagnés de leur épouse et de leurs enfants. Toujours cet air pacifique, bon enfant, des premiers vendredis avec un moins peu d’enthousiasme de ce printemps qui ne veut dire son nom par la probable peur de la malédiction qui a soufflé sur certains pays arabes.
Aujourd’hui, seul l’emblème national flotte sur la foule. Du fait de son interdiction dans les manifestations, la bannière identitaire berbère commune à toute l’Afrique du Nord a été retirée à tord ou à raison, selon les points de vue de chacun. La revendication identitaire, vieille comme le monde, est depuis longtemps perçue dans notre pays comme une menace à « l’unité nationale ». Elle sert d’épouvantail ou de « bourourou » agité par l’autoritarisme centralisateur. Et le douteux séparatisme du MAK en amplifie évidemment la résonnance à défaut de lui donner du crédit. En tout cas, la vox populi a tranché sur cette question « Kebayli, arbi, djazairi ». Mais cela suffit-il ? A ce jour, le bon sens, la sagesse et le caractère fondamentalement pacifique de la contestation semblent prévaloir sur la confrontation.
Les écriteaux et banderoles qui fleurissaient les premiers rassemblements contestataires de leurs couleurs, leur diversité d’expression et leur originalité se font à présent rares. Signe des temps ? De la conjoncture ? La parole rebelle, voire insolente est lancée à tout va, à tue-tête par des milliers de voix, contre les derniers symboles du pouvoir défaillant et de ses supposés instruments. Nul n’est préservé : le chef d’Etat major, le chef intérimaire de l’Etat, le chef de gouvernement, les chefs de partis de l’allégeance et même désormais la police qui garde malgré tout devant la foule son calme professionnel. Tout ce monde prend généreusement pour son grade y compris les gens de la presse accusés de « brosseurs ». Certains slogans, probablement sciemment provocateurs, sont étrangement inspirés de la mouvance islamique des années 90. Expression d’exaspération après plus de quatre mois de contestation ? Réaction urticante au maintien du statu quo ? Mais le plus impressionnant ce sont les chants, anciens et nouveaux sortant de ces milliers de gorges en marche sur les avenues de Sétif : « Min djibalina » (De nos montagnes) ou « Irhalou ya khawana » (Partez ô traitres) vous donnent la chair de poule. Il est plus que temps d’écouter attentivement la voix du peuple et de sentir ses pulsations, voire ses pulsions et donner de véritables signes de les avoir bien perçus. « Le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions » disait le penseur JP Sartre. Et si on donnait réellement la chance à la mission Rahabi ? Il y va de l’intérêt de notre pays.
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