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Le 37ème vendredi de la contestation populaire à Sétif : l’exceptionnelle mobilisation.

samedi 2 novembre 2019, par Hamoud ZITOUNI


Comme un pied de nez adressé à la classe dirigeante qui s’évertue à ignorer, voire mépriser l’ampleur et l’ardeur de la contestation populaire après 8 mois d’expression pacifique et constante, des centaines de milliers d’Algériens sont encore sortis dans les villes et villages du pays pour marquer leur désapprobation à la feuille de route qui leur est imposée pour sortir de la crise institutionnelle et politique : « makanche el intikhabat maa el issabat  » (pas d’élection avec les gangs), ce qui signifie, pour les contestataires, le départ préalable et sans délai du reliquat des symboles de la gouvernance défaillante et mafieuse qui a mené le pays devant le mur. Ceci est répété par la vox populi depuis plus de 8 mois tous les mardis et vendredis.

Pour la seconde fois, depuis le 5 juillet de cette année exceptionnelle, l’histoire nationale ressurgit et vient en appui au présent. Le 65 ème anniversaire du premier novembre 1954, acte fondateur de la jeune nation algérienne s’invite chez le hirak pour le galvaniser. En retour, le peuple lambda lui réserve un accueil des plus chaleureux, s’en réapproprie après qu’il fut trop longtemps, à l’instar d’autres événements historiques, le domaine réservé aux classes dirigeantes et à leur clientèle prébendiaire, prédatrice, dévouée et faussement reconnaissante.

En ce 37 ème vendredi de la contestation populaire, les citoyens de la ville du pogrom colonial du 8 mai 1945 ont tenu à commémorer de manière exceptionnelle la date anniversaire du déclenchement de la lutte contre le joug colonial. Une affluence exceptionnelle est constatée qui rappelle celle festive du vendredi 5 juillet de cette année. Alors, que les abords du siège de la wilaya ne les contiennent plus, les manifestants bien bruyants entament leur marche sur le boulevard de l’ALN en direction du nord de la ville. A hauteur du carrefour de l’ex parc à fourrage, la procession déjà longue de plusieurs centaines de mètres bifurque à droite, sur le boulevard de Casablanca vers le quartier El Houata (les poissonniers). Un peu plus loin, à hauteur du CEM Bekhouche, les marcheurs ont pris la direction du quartier populaire Tandja en empruntant la rue du 24 février. C’est sur cette artère droite longeant l’enceinte de la caserne de la gendarmerie que l’on découvre avec stupéfaction l’ampleur de la marée humaine qui a gonflé exponentiellement aux abords de cet immense quartier populaire historique. A ce moment et à cet endroit on peut approximativement estimer à plus de 20 000 manifestants. Alors que les premiers marcheurs atteignaient déjà le cimetière de Sidi Said du quartier Bouaroua, les derniers se positionnaient encore au niveau du portail de la caserne des gendarmes. Du quartier Dallas, la procession humaine emprunte l’avenue du 1er novembre. Des dizaines de citoyens des quartiers environnants la rejoignent. Les slogans chantés ou criés sont sans équivoque avec l’organisation des élections présidentielles prévues le 12 décembre prochain au motif qu’elles ne peuvent être transparentes et régulières en présence de l’actuel pouvoir en place. Celui-ci est fustigé sans ménagement. Même la police qui a été longtemps épargnée à Sétif pour son comportement professionnel exemplaire est vertement apostrophée à cause, semble-t- il, de l’arrestation de jeunes manifestants isolés opérée depuis trois semaines. Il y aurait eu encore ce jeudi soir une arrestation d’un groupe de hirakistes venus « célébrer » nuitamment le déclenchement de la révolution devant le siège de la wilaya. Ces hirakistes auraient été, toutefois, élargis au petit matin du 1er novembre. Vers 16 heures, au retour au lieu habituel de rassemblement, alors que les jeunes s’égosillaient devant l’entrée du siège de la wilaya, deux autres marches distinctes de manifestants sont entreprises, par l’artère principale du 8 mai 1945 et l’autre à contre sens, par le boulevard de l’ALN. Fatigués les plus âgés se retirent ou font les pieds de grue devant le siège préfectoral. En passant, devant le palais de justice et le commissariat central de la police, les manifestants ont copieusement fustigé les corps de ces deux institutions de la république l’une accusée « d’obéir au téléphone » et l’autre d’opérer aux « arrestations arbitraires ». La confiance des hirakistes à l’égard des institutions est hélas largement entamée. Chaque vendredi qui passe rend très difficile la reconquête de cette confiance, sauf miracle. Mais le quel ? Comment peut-on l’activer ? Le temps presse et notre pays est en danger.

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