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Six ans après les attentats du 11 septembre

Les Américains ont-ils tiré les leçons qu’il faut ?

mardi 28 août 2007, , article écrit par Mahfoudh Yacine, La Tribune et publié par La rédaction


Dans quelques jours, les Américains célébreront le sixième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. Un triste événement doté d’une charge émotionnelle et symbolique devenant par la force des choses un facteur structurant dans la vie quotidienne des Américains. Mais au-delà de la symbolique, tout laisse à penser que les Américains n’ont pas retenu les leçons qu’il faut de ce sinistre événement.

La modestie cède la place à l’arrogance

D’aucuns considèrent que ces attaques ont touché de plein fouet l’ego des Américains. Comment la plus grande puissance militaire de l’histoire a-t-elle pu faire l’objet d’une attaque terroriste et qui plus est avec des moyens civils ? Une question qui mérite d’être méditée. Cependant, force est de constater que, pour une bonne partie des décideurs américains, la méditation n’a pas été aussi profonde. Les attaques ont été pour certains décideurs l’occasion d’exacerber un patriotisme que la guerre du Vietnam avait ramené à sa juste dimension.

La modestie à laquelle la défaite au Vietnam avait convié les décideurs américains et symbolisé par le Vietnam Memorial a cédé devant une arrogance symbolisée par le projet de création d’un autre building au lieu-dit du Grand Zero, plus haut que le World Trade Center. Un coup de pied au nez de la communauté internationale. L’arrogance a été poussée à son paroxysme avec l’invasion de l’Afghanistan, quelques jours seulement après ces attaques et de celle l’Irak, moins de deux ans après.

En envahissant ces deux pays, les décideurs américains pensaient guérir le peuple américain de ce syndrome de la peur qui s’était saisi d’eux après le 11 septembre. Rien de mieux qu’une expédition guerrière pour restaurer la confiance des Américains et, par la même occasion, cimenter le lien entre le peuple et ses dirigeants, devait-on penser dans les arcanes de Washington. Car, en vérité, ces événements n’ont fait que révéler au grand jour ce côté obscur dans la psyché des Américains, à savoir la glorification de la force et la sublimation de la violence. Une tentation alimentée par une obsession sécuritaire qui se ressent dans les aéroports où les dispositifs de contrôle ont été renforcés.
On peut arguer que, dans pareilles circonstances, il est tout à fait légitime qu’un pays qui se sent menacé puisse entreprendre de telles mesures pour assurer sa sécurité. Mais le fait est que le souci de se prémunir contre d’éventuelles attaques terroristes vire à l’obsession, avec tout ce qu’elle comporte comme glissement, notamment lorsqu’il s’agit du respect des droits de l’Homme. Ce qui nous amène à la seconde leçon.

Quant la sécurité l’emporte sur la liberté

En effet, la glorification de la force a relégué la question des droits de l’Homme en seconde position. Sous prétexte que le pays est menacé par des attaques terroristes, les dirigeants américains, les néo-conservateurs plus que d’autres, ont jugé que les droits fondamentaux de l’individu devraient être sacrifiés sur l’autel de la sécurité nationale. A l’intérieur des Etats-Unis, beaucoup d’Américains se plaignent que l’actuelle administration fasse primer la sécurité sur la liberté des individus. Le Patriot Act est le symbole de ce basculement qui s’est opéré après le 11 septembre. Les agences de renseignements ont vu leur rôle croître et leurs prérogatives élargies. Toute personne soupçonnée d’appartenance à un groupe terroriste peut faire l’objet d’arrestation, surtout si elle est de nationalité étrangère. L’obsession de contrôler les mouvements des individus a été étendue à l’échelle internationale avec l’installation de camps d’emprisonnement comme c’est le cas à Guantanamo. Faisant fi des règles élémentaires du droit international, les Américains ont érigé ce camp pour juger les soi-disant individus qui ont combattu aux côtés des taliban en Afghanistan. Or ces derniers n’ont été ni jugés ni libérés.
En Irak, les forces américaines ont appliqué le même procédé avec les anciens soldats de l’armée irakienne ainsi qu’avec des citoyens innocents.

Les droits fondamentaux n’ont pas été respectés. Pis, des prisonniers ont fait l’objet des pires humiliations. Même les femmes n’ont pas échappé à ce traitement, puisque certaines d’entre elles ont fait l’objet de viols de la part des soldats américains.
Et pour clore ce chapitre d’extra-territorialité de la loi américaine, on ne peut passer outre ces prisons créées dans certains pays de l’ancienne Europe de l’Est où les règles fondamentales des droits de l’Homme n’ont pas été observées. La CIA, agence américaine de renseignements, utilisait ces prisons pour transporter des prisonniers afin de les interroger en usant des méthodes les plus humiliantes. Les vols secrets transportant des prisonniers d’Irak et d’Afghanistan sont devenus des pratiques courantes alimentant les débats dans la press internationale et américaine.

Harosur le multilatéralisme

De telles pratiques dénotent l’obsession des Etats-Unis à vouloir agir de manière unilatérale, sans se soucier des préoccupations des autres pays et des principes de la coopération internationale.
Et c’est l’autre leçon que l’administration de George W. Bush n’arrive toujours pas à retenir. Le multilatéralisme a été enterré après les attentats du 11 septembre. Souvenons de cette fameuse phrase du président américain, quelques jours seulement après ces attentats : ou vous êtes avec nous, ou vous êtes contre nous. Une indication claire de la volonté de Washington à ne pas tenir compte des intérêts des autres pays, même de ses alliés et partenaires, pour mener à bien cette campagne mondiale contre le terrorisme.

Et cette administration l’a démontré à plusieurs reprises, notamment en Irak, et cela en dépit du fait que tous les indices infirmait l’existence de liens entre Al Qaïda et le régime de Saddam Hussein et la possession par ce dernier d’armes de destruction massive. Malgré ces erreurs, l’administration américaine continue à privilégier l’unilatéralisme au multilatéralisme, creusant ainsi le fossé entre les Etats-Unis et le reste du monde. Ce sont là les principales leçons que les décideurs américains n’ont pas su retenir. Reste à savoir si la prochaine administration saura corriger le tir.


Mahfoudh Yacine, La Tribune

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