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Sétif, côté pile

jeudi 10 septembre 2009, , article écrit par Chaker Abderrahim, Le Soir d’Algérie et publié par La rédaction


Constats de détérioration avancée des conditions de vie dans notre ville, Sétif. L’état des lieux qui va suivre révèle :

 la dégradation de la morale, de la culture et du civisme dans notre société, donc la décadence de notre civilisation ;

 l’absence, la démission voire l’inexistence de l’Etat causée par la généralisation de la culture de la médiocrité qui a conduit les plus incompétents mais les plus effrontés et les plus appuyés en haute sphère à occuper les postes de responsabilité aux dépens des vrais fonctionnaires honnêtes et compétents. Ces deux facteurs réunis font que nous assistons ou plutôt nous vivons impuissants, depuis quelques années, un état de dégradation croissant de tous les aspects de la vie dans notre ville à l’instar d’autres villes du pays. Dégradation inquiétante, humiliante, horrifiante… Aucun signe, pas de prémices, à l’horizon, d’une proche ni d’une lointaine résurgence des valeurs morales de notre passé. Donc, aggravation dangereuse, puis déliquescence irrémédiable. Accélérée par l’absence des détenteurs des clés de la Cité : élus et commis de l’Etat. Tous ces nombreux personnages qui se partagent sa gestion n’ont rien vu de ces aveuglantes éclaboussures qui la ternissent et rien entendu de ces bruyants tumultes qui la couvrent. Quelques aspects apparents et criants de ce pourrissement.

Nos mosquées

Nos mosquées, lieux saints de prière, de prosternation, de méditation et d’enseignement autour desquels devrait régner un climat de sérénité, de silence respectueux et de propreté exemplaire à la mesure de la grandeur de son Propriétaire et de la pureté de l’Islam
1- N’ont-ils vraiment pas vu la transformation des aires d’entrée des mosquées en souks anarchiques avilissant l’aspect des Maisons de Dieu et transportant ainsi le plus vil des lieux (souks) aux portes de Sa maison ?
L’Islam est pourtant religion de l’Etat, qu’on ne sache ; ses seules institutions (de l’Islam) que sont les mosquées ne devraient-elles pas être protégées et sécurisées au même titre que les autres institutions (mairie, daïra, wilaya, ministères, etc.) aux alentours desquelles il est impensable d’avoir à remarquer le spectacle hideux de cris et vociférations des vendeurs et d’ordures abandonnées sur place.

Nos transports urbains

N’ont-ils vraiment rien vu et rien entendu de ce spectacle pourtant éclatant par sa mocheté et assourdissant par l’agressivité des vacarmes de ses vieux moteurs et de ses klaxons actionnés à tout bout de champ, ce spectacle qu’offre la circulation dans la ville d’une multitude de soi-disant bus de différents types et couleurs, pour la plupart dans un état de délabrement et de saleté avancé, créant quotidiennement un infernal vacarme et provoquant une pollution à outrance de l’air et qui sont dans de nombreux cas inadaptés au transport urbain (petits minibus exigus), causant des désagréments indescriptibles aux usagers, tant pour ceux qui montent que pour ceux qui descendent ?
Evidemment, tous les citoyens empruntent les transports publics, sauf les responsables de l’administration locale des transports et surtout pas M. le Directeur. Et ces citoyens endurent seuls, en plus des agressions précitées, le diktat des transporteurs pour lesquels la notion de service public reste une chinoiserie et que l’administration des transports n’a pas jugé utile d’astreindre à un cahier des charges. Et s’il en existe un, nul ne veille à son application :

 Etat de délabrement et de saleté intérieure et extérieure avancé des véhicules, mettant en danger à tous les instants les utilisateurs, portant atteinte à leur santé par les émissions de gaz polluants et offrant aux visiteurs de la ville, locaux et surtout étrangers, une image lamentable et dégradante.

 Tenues débrayées et comportements carrément grossiers chez la plupart des chauffeurs et receveurs, en majorité de très jeunes gens n’ayant suivi aucune instruction scolaire, encore moins civique : usage de terminologie vulgaire lors de rassemblements de gens autour des chauffeurs en discussions et en pleine conduite, usage de postes cassettes diffusant à fort débit des chansons aux paroles indécentes, consommation de tabac dont l’interdiction est largement affichée, imposition aux usagers de longues attentes à des arrêts précis du fait de calculs de rentabilité faisant fi de la notion de service public. Nos élus qui se permettent le luxe des jumelages de notre Cité avec la ville de Rennes et autres villes dignes de ce nom à l’étranger ne sont-ils pas indignés par ce spectacle ?

Notre ville ne mériterait-elle pas un service de transport urbain moderne. Combien de temps nous faut-il encore pour hisser notre ville à la hauteur de celles avec lesquelles elle est jumelée.

Nos rues et trottoirs

N’ont-ils vraiment rien vu de la pitoyable image qu’offrent nos rues et trottoirs ?

 Nos rues occupées conjointement et anarchiquement par des voitures conduites dans la majorité des cas par des chauffards sans foi, ni loi, ni scrupule, par des motocyclistes effrontés juchés sans casques de sécurité, ne respectant aucune règle du code de la route en grillant les feux rouges, en zigzaguant sur leurs cylindrées bruyantes, causant des nuisances irréparables aux appareils auditifs de certaines gens, et par des piétons inconscients errant en plein milieu de la chaussée, dans les ronds-points et, bien sûr, tout cela sous le regard passif des agents de l’ordre public.

 Nos trottoirs squattés par les commerçants qui les ont transformés, au mépris de toutes les règles, en devantures avancées de leur magasins, les étals (tables) qui prolifèrent chaque jour et des mini-kiosques qui, sous la couverture d’on ne sait qui, s’agrandissent et se transforment carrément en bazar.

Nos marchés et souks

N’ont-ils vraiment rien vu de cette excroissance cancéreuse qui gangrène le cœur de la ville, qui s’appelle souk et qui est en vérité un immense dépotoir d’ordures étendant ses tentacules jusqu’aux portes de la Cour de justice et du nouveau tribunal ?

Ce souk est régi uniquement par la loi des hordes de vendeurs échappant à tout contrôle. Dans ce souk, sont commises à ciel ouvert les plus graves infractions à toutes les lois divines et terrestres :

 Atteintes aux mœurs commises par des individus qui écument les lieux avec pour seul objectif le harcèlement des femmes à la faveur de l’étroitesse des couloirs de circulation. En effet, à l’intérieur comme à l’extérieur du souk des fruits et légumes et dans celui de commerce multiple qui s’y est greffé, les extensions des étalages anarchiques ont réduit les passages réservés aux clients en couloirs étroits où les bousculades sont fréquentes et les conditions propices pour les voleurs à la sauvette qui écument les lieux ;

 Atteinte à la sécurité et à la santé des clients et des habitants des quartiers environnants - Les citoyens, très nombreux à fréquenter ce souk, sont confrontés en hiver aux affres de la boue et en été aux asphyxiantes poussières et puanteurs des déchets qui s’amoncellent et des restes de sang, de viscères et de plumes, qui se dégagent de l’abattoir de volailles installé en plein air et au beau milieu du souk, échappant à tout contrôle sanitaire. - Atteinte flagrante et permanente aux lois sur le commerce et la qualité : exercice d’activités commerciales sans registre du commerce ou autre titre ou autorisation ; vente de produits périmés et étalage de produits très sensibles (beurre en vrac, lait en poudre, chocolat, confiserie, boissons gazeuses et jus) exposés à la poussière et à la chaleur pendant toute la journée ; les vendeurs de fruits et légumes font leur loi et malmènent sur tous les plans les clients, contraints à s’alimenter dans ce souk en raison de sa proximité du centre-ville et des prix relativement abordables, comparés à ceux exorbitants pratiqués dans les autres marchés couverts, par la tromperie sur la qualité et par des agressions verbales et parfois même physiques, en l’absence évidemment de tout service d’Etat (contrôle ou sécurité) ; les vendeurs d’articles de ménage et de vêtements abandonnent sur place, en fin de journée, d’énormes quantités de sachets en plastique et des cartons qui sont traînés par le vent jusqu’en plein milieu de la ville et de ses artères principales, offrant un autre hideux spectacle aux visiteurs de la ville dont le slogan est « Sétif ville propre », slogan vide de sens !

Notre urbanisme

N’ont-ils rien vu du massacre que subit au quotidien notre urbanisme par le fait de leur laxisme et parfois de leur complicité (corruption, favoritisme, passe-droit, etc.) ?

 Bâtiments défigurés à l’extérieur par des créations, suppressions ou modifications anarchiques de balcons et dangereusement dégradés à l’intérieur par des atteintes parfois à la structure portante (poutres et piliers).

 Irrespect des plans de construction des maisons individuelles dans les lotissements par de nombreux constructeurs : absences d’espace minimum d’aération et de verdure (cours mitoyennes), les uns empêchant le soleil pour les autres ; bétonnage et dallage systématique de tout le lot, garages au rez-de-chaussée, habitation au premier étage ; absence d’esthétique urbanistique des façades, rendant la majorité de nos quartiers semblables à des bunkers.

 Prolifération des constructions illicites qui s’agglutinent autour de la ville : le plus grand bidonville du pays se trouve sans conteste dans notre ville, dans le quartier d’Aïn-Trick (quartier périphérique de la banlieue sud-est), loin des regards des visiteurs de marque (Président, ministres et autres délégations officielles…) et même des premiers responsables locaux ; dans ce bidonville en constante extension par le fait des motifs sus-cités (laxisme, corruption, etc.) cohabitent des familles venues des divers horizons dans des conditions de vie inhumaines : habitations et toitures dérisoires, égouts à ciel ouvert, absence d’alimentation en eau potable, en électricité et en gaz, d’où la naissance et le développement de maladies et maux sociaux et leur répercussion sur toute la ville ; Le second bidonville d’une aussi grande importance se situe entre les pools universitaires à la périphérie « est » de la ville, dans la cité Chouf-Lekdad et est comparable en de nombreux points au précité. Je me limiterai pour cette première note d’observation à ces cinq facettes les plus importantes et les plus visibles de la vie de notre ville. D’autres aspects non moins importants seront cités, incha Allah, dans une prochaine suite de la présente et modeste contribution à la dénonciation de la destruction systématique de notre cadre de vie. Et j’en appelle à la fierté des valeureuses filles et valeureux fils et de tous ceux qui font les mêmes observations et ressentent avec impuissance les mêmes craintes parmi les habitants de cette capitale historique et glorieuse qui ne mérite pas ce qui est en train de lui arriver, en vue de prendre les choses en main et remédier à la situation avant qu’il ne soit trop tard. Et je les invite à un débat intelligent, objectif et constructif.


Chaker Abderrahim, Le Soir d’Algérie

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