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Il était une fois… madraset el feth
dimanche 27 janvier 2013, par
Si Bouzid Gharzouli défie un peu le bavardage des mouches. Esprit de boy scout, courtois et aimable, il ne se libère de son mutisme que pour parler de la medersa, « madraset el feth ».
A défaut d’archives, il reste en compagnie d’un groupe d’anciens élèves, la seule mémoire de ce rayonnement scientifique et religieux. Véritable négation de soi, il est un spécimen vivant et perceptible de ce qu’avait produit, cette medersa.
Dans le faubourg de la gare (langar) à 10 mètres à vol d’oiseau de l’actuelle résidence du Wali de Sétif ; il y avait dans le temps une parcelle de terrain inoccupée. La convoitise des poches vides ou des lots marginaux à l’époque ne charmait personne. Les différents témoignages corroborent la thèse selon laquelle que c’est une dame sétifienne qui en aurait fait don à l’association des oulémas musulmans. Ce fut en l’an 1948.
C’est sous les auspices justement de cette association que l’école « arabe » la medersa fut crée. L’entrepreneur qui la réalisa serait monsieur Ketfi Allaoua. Le financement provenait de l’association et des œuvres de bienfaisance dont faisaient preuve les âmes charitables et les esprits généreux Les scouts musulmans participaient activement à cet élan de solidarité agissante. Elle faisait partie des 143 écoles érigées à travers le pays dont Dar el Hadith à Tlemcen.
En fait cette école est venue rassembler en un seul site les classes déjà fonctionnelles mais éparpillées à travers la ville. L’on dénombre les unes au niveau de la rue Djebel Boutaleb (ex-rue D’Aumale), les autres à la rue Benboulaid (ex-rue Deluca) En formule de concession locative ou gracieuse, ces classes étaient abritées chez Lamri Koroghli, ou Si Kaddour à la cité Lévy ou bien au sein des locaux des scouts.
Elle fut construite en deux tranches. La première étant celle face au nord, soit la façade principale. L’autre, au sud suivra peu après. Des noms illustres résonnent à ce jour dans le préau de cet édifice. Fadhli Hocine, Zerroug Ahmed, Aissa Attafi, Mostefai Mohamed Cherif, Mohamed Adel, Messaoud Berbagui, Si Lemtai et beaucoup d’autres.
La première rentrée scolaire, après la bénédiction inaugurale du Cheikh El Ibrahimi, eut lieu le 1 janvier 1950. Elle aurait pu réunir quelques 380 élèves. L’organisation pédagogique était scindée dans le temps en cours du jour et en cours du soir. Ceux ci s’exerçaient de 17 à 19 heures au profit des enfants scolarisés normalement aux écoles publiques .Le régime étant mixte, on y voyait, sans nul tabou dans la même rangée des garçons et des fillettes. Dire que les oulémas en savaient quoi dire et quoi faire. Le régime scolaire y pratiqué s’étendait de la première année à la cinquième au bout de laquelle un examen d’aptitude devait s’effectuer à Constantine auprès de l’institut Ibn Badis. Les lauréats eurent la possibilité de poursuivre les études, après Constantine, soit à Tunis soit au Caire. Si Zerroug Aissa et Tahar Debbah furent parmi ceux qui allèrent au Caire.
Comme le corps professoral était composé d’érudits enseignants, tels que Si Adel, Kaddour Belfradj, Kara, Abdelhamid Benhala, Torki Lamamra (docteur), Salah Bentama, Hafnaoui Zaguez (écrivain), la direction fut aussi assurée par des illustres personnages à l’image de Ali Marhoum, puis par Boualem Baki qui se trouvait à l’époque sous une mesure judiciaire l’assignant à résidence à Sétif.
L’enseignement y prodigué visait d’abord à fournir, l’apprentissage de la langue arabe. Les sciences, l’histoire, la géographie et l’arithmétique furent des matières aussi essentielles que l’initiation à la prière et au chapitre « el ibadat » dans le fikh islamique. Le terme « peuple algérien » servait d’entête aux certificats que l’école délivra. Le nationalisme naissait grand dans le cœur de ces petits écoliers dont la plupart, à l’instar de ceux du lycée Mohamed Kérouani et d’ailleurs ; seront de vaillants martyrs.
La medersa, produisit plus de 1000 élèves, en l’espace de sa courte durée. Car devenue un nid de patriotisme, l’autorité coloniale décida de sa fermeture en 1957. Son directeur d’alors M. Adel fut à jamais porté disparu. En cette année là, Sétif connut une vaste opération de bouclage qui se solda par la « disparition » de nombreux militants….et Sétif comptera plutard, plus de 8500 martyrs !
Transformée en bureaux de la SAS ; elle servit à la libération, en 1962 comme centre d’accueil à l’honneur des moudjahidin. La liesse prit les gens aux sons du nachid et du recueillement.
Elle se dénomme actuellement « Ecole Bachir El Ibrahim » alors que l’expression « El Feth » avec toute la sémantique et la guidance qu’elle porte ; aurait été le meuilleur témoignage historique à un tel petit édifice moralement monumental. Le cheikh mériterait, peut être un pôle universitaire …
El yazid Dib