Je revois Moussa, drapé dans son burnous. Les rigueurs de l’hiver dans les Hauts Plateaux l’exigent. Attablé devant un thé fumant dans un café sur la place de Bab Beskra, nous devisions souvent sur les abominations de ce monde que nous soupçonnions d’être à l’origine de nos tribulations. Souvent, Moussa me racontait qu’il lui arrivait de plus en plus de se regarder vieillir prématurément dans la glace. Chaque matin, après s’être rasé, il se rendait compte qu’il avait quelques cheveux blancs (…)
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Exils : de Sétif à Paris
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SETIF (29)
17 janvier 2011, par La rédaction -
SETIF (28)
14 janvier 2011, par La rédactionUn jour, j’étais très malade. Je ne pouvais rien faire. Ma belle-mère m’ordonna de m’occuper du parterre de la grande cour. Je devais le faire à la main. Ce jour là, j’ai éclaté. C’était un raz de marée qui venait tout emporter sur son passage. Tous ces mois de refoulement, d’obéissance et de soumission avaient crié NON, NON et NON. Je ne suis pas une esclave. Elle me traita de tous les noms et me dit qu’elle allait en informer son fils. Arrivé, ce dernier me frappa violemment. J’ai cru que (…)
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SETIF (27)
9 janvier 2011, par La rédactionLe cauchemar arriva lorsque mes parents décidèrent de me marier. Moi qui voulais faire un mariage d’amour, c’était raté. Je n’ai même pas eu le droit à des fiançailles. J’étais malheureuse. Je n’avais jamais vu mon futur mari. Je ne savais rien de lui, ni même du mariage. Pour ma belle-mère, il suffisait de savoir faire la cuisine et le ménage et être en très bonne santé. Pour ma famille, c’était le paradis sur terre. Pour elle, je serais heureuse, j’allais faire des voyages, j’allais voir (…)
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SETIF (26)
5 janvier 2011, par La rédactionElle n’arrivait plus à dormir. Elle ne cessait de se retourner dans son lit. Avec au fond de sa conscience meurtrie une douleur comme elle n’en avait jamais ressentie. Cette situation se révéla de plus en plus intenable. La résignation, la fugue ou le suicide. Telles furent les solutions qui s’offraient à elle. Elle pensait plutôt à se battre. Mais cette idée lui paraissait une pure prétention. Car des milliers d’yeux vous scrutent. Vous foudroient du regard. Epient vos moindres gestes. (…)
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SETIF (25)
31 décembre 2010, par La rédactionUn soir, alors qu’elle brodait, elle entendit frapper à la porte ; elle s’empressa d’ouvrir. Devant elles deux femmes, avec des fleurs. C’étaient ses voisines. Elle comprit très vite l’objet de leur visite et eut l’impression que son cœur s’arrêtait de battre. Elle se sentit prise au piège. Houria devait subir la tradition inflexible ; recluse, elle se devait d’attendre qu’un homme vienne la sortir de cette situation. Le prix à payer se résume en une douce soumission sa vie conjugale durant. (…)
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SETIF (24)
25 décembre 2010, par La rédactionPar tempérament, Houria refusait de tout son être cet état de fait établi. Sujette aux brutalités de son père et de son frère, elle mettait sur le compte de l’ignorance et du mythe de la supériorité de l’homme leurs actions peu louables envers elle. Face au problème qui la menaçait d’une manière imminente, elle faisait preuve de courage envers l’étau mâle oppresseur. Elle était en âge de se marier, selon ses parents. Et surtout de commettre des actes difficilement réparables. Maintenant (…)
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SETIF (23)
21 décembre 2010, par La rédactionA la même époque, je fus témoin malgré moi d’une affaire qui mit en émoi tout Sétif. C’est l’histoire de cette lycéenne qui reçut une carte postale d’un voisin ayant sans doute cultivé à son égard quelque sentiment humain. Malencontreusement, cette carte tomba entre les mains du père de la fille ; s’ensuit une rage folle et moult péroraisons sur la dégénérescence supposée de sa progéniture. Et surtout, en plein hiver, il lui fit passer la nuit sur la terrasse à ce que l’on m’a alors narré. (…)
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SETIF (22)
17 décembre 2010, par La rédactionJe nous revois tabliers noirs, les cheveux coupés en brosse et la mine prête à rougir à l’approche de l’instituteur. Devant le tableau immense, mis en rapport avec nos tailles de gamins, nous balbutions quelques vers. Le « Bien, à ta place, dix sur dix » représentait pour nous le pinacle des idéaux du monde de l’enfance. C’était un mal presque irrémédiable qu’on nous inoculait. Jusqu’à tuer en nous l’amour du monde. Insouciant alors, nous nagions dans l’extase et la joie par la grâce de la (…)
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SETIF (21)
13 décembre 2010, par La rédactionLes années lycée allaient ajouter un autre malheur à nos péripéties sans fin reconduites sous le sceau de la misère sociale que notre génération subissait de plein fouet. L’un de mes camarades d’infortune allait décéder ; nous habitions le même quartier, près de Aïn Moreau. L’occasion me fut donnée de le voir pour la dernière fois à un moment où apparemment il décida de quitter ce monde et ses abominations. C’est ainsi que je le revois encore, quelques jours avant le grand voyage dans (…)
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SETIF (20)
8 décembre 2010, par La rédactionJe me rappellerai toujours le jour où nous lui rendîmes visite, avec mon père, à l’hôpital de Constantine. Je devais alors être à l’école primaire. A sa vue, je fus ébloui en le revoyant car il avait pris de l’embonpoint ; il avait bonne mine et son sourire était éclatant. Quand il nous vit, il nous reconnut aussitôt et il faillit littéralement s’envoler de joie, n’eût été sa paralysie. Mon père décida qu’il y avait une chance pour lui de pouvoir guérir et de recouvrer l’usage de ses jambes, (…)