De l’autre côté de la rue, chaque famille vivait dans des haras comme au quartier de Langare. Dans des chambrées tellement exiguës que l’on ne pouvait oser bouger. A peine la place pour un vieux lit en fer sur lequel folâtraient nos parents. Nous, nous dormions à même le sol. Comme on dit chez nous, la terre est rahma, miséricorde. C’est dans ces espaces que beaucoup de destins se jouèrent. Ceux de nos pères d’abord dans les chantiers du bâtiment, les nôtres ensuite sur les bancs de l’école (…)
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Exils : de Sétif à Paris
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SETIF (9)
31 octobre 2010, par La rédaction -
SETIF (8)
27 octobre 2010, par La rédactionPour l’heure, nous nous amusions. Nous nous querellions gentiment de temps à autre, ayant au fond conscience que la solidarité devait être de rigueur entre nous. Nous nous interrogions souvent sur nos conditions d’existence et le peu de cas que nous représentions pour nos gouvernants. Des discussions souvent passionnées avaient lieu avec les mots de tous les jours. Des mots simples pour tenter de percer les lourds secrets de la vie. L’été durant, nous nous voyions à notre quartier général, (…)
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SETIF (7)
20 octobre 2010, par La rédactionVers la même époque, il y eut durant plusieurs années ce que j’appellerai la période des illustrés. Star. Tel était le nom de ce cinéma où nous nous réunissions pour la vente et l’achat des illustrés. Nous étions pour la plupart à l’école primaire. En face, il y avait le marché de Sétif. Un lieu où l’hygiène était le souci cadet des marchands de légumes et des bouchers d’alors. Une odeur indescriptible y régnait. La viande inaccessible pour beaucoup d’entre nous pendait, accrochée par des (…)
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SETIF (6)
16 octobre 2010, par La rédactionUn jour, je ne fus plus admis à aller au hammam avec ma mère. C’était à l’occasion de l’Aïd, je devais me préparer à cette fête en commençant par me laver. Ce fut dans un autre hammam que le verdict tomba de la bouche de la patronne des lieux. Je faillis rester dans l’antichambre. La dame à la grande gueule vitupéra ma mère. Elle lui jura que ce sera la dernière fois qu’elle m’admettra dans son hammam. Comment pouvait-elle m’amener avec elle ? Pourquoi mon père ne devait-il pas s’en charger (…)
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SETIF (5)
12 octobre 2010, par La rédactionA El combatta. Autre souvenir. Autres douleurs. Le jour de la circoncision reste gravé dans la mémoire. Comme un DVD. Il se déroule avec son lot de peur enfantine. Nonobstant la famille réunie autour de moi. Je me rappelle que tôt le matin, on me prépara. Je fus surtout vêtu d’une gandoura immaculée de blancheur. Et sans doute d’une chéchia rouge pour me couvrir le chef. N’ayant qu’une vague idée de ce qui allait m’arriver, je sautillais de joie. Et pour cause, ce jour est sans doute le (…)
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SETIF (4)
8 octobre 2010, par La rédactionAinsi, pour mon père, véritable damné des chantiers, payé à la quinzaine. Souvent endetté auprès de notre épicier attitré, Hamma. Ma mère m’envoyait systématiquement chez lui pour moult courses : dix douros de sucre, dix douros de café, quinze douros d’huile… C’était la chanson de mon enfance. Je répétais la quantité et le nom des denrées voulues par ma mère le long du trajet. Avec sa bonne bouille, Hamma ne manquait jamais l’occasion de sortir son stylo pour ses additions. Tu diras à ton (…)
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SETIF (3)
5 octobre 2010, par La rédactionAu sortir de la longue nuit coloniale, tel est l’espace qui a servi d’univers à toute une flopée de familles qui espéraient exister. Survivre fut le credo quotidien de ces familles. Bien des querelles ont jonché cette promiscuité. Souvent pour des broutilles. C’était une manière de penser son existence. De panser cette blessure sociale vécue d’emblée dès l’indépendance. Occupés à vaquer à leur profession, les hommes échappaient à ces rixes anodines mais riches de quelques vocables dont (…)
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SETIF (2)
1er octobre 2010, par La rédactionDe Langare, je ne garde que ce douloureux et vague souvenir. Avec dépit. Une trace a échappé au temps, une photo avec mon vénéré père. La seule. Debout tous les deux, près de la maison qui me vit naître. Tout autour, la châaba, el Khla, oualou, nada, niente, rien. Autant dire le néant. Le vide sidéral. C’étaient les banlieues d’alors, où nous étions recalés tels des cancres. Nos mères n’en sortaient quasiment jamais. Nos pères si, pour aller dans les chantiers vendre leur force de travail. (…)
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SETIF (1)
29 septembre 2010, par La rédactionDe brefs souvenirs me parviennent du passé de la prime enfance. Quelques bribes. L’intrusion de soldats en armes dans la hara de Langare. Cris. Peur. Panique. Menaces. Bruits de bottes. Armes bien en vue. Mères éplorées. Pères hagards. Enfants hébétés. J’eus sûrement peur ce jour là, mais je ne saurais dire si j’avais conscience de ce qui nous arrivait alors. Le tragique de la situation était accentué par la misère que vivaient nos parents. Leur malchance était liée aux pénibles métiers du (…)